mercredi 9 janvier 2013

Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis

Vous ne remarquez rien sur ces deux actes de mariage ?

Bonne lecture !

AD en ligne, Saint-Gervais-les-Trois-Clochers, NPMD - 1802 (An X)-1806, v.76/90


Et bonne soirée ou bon jour, c'est selon !

samedi 5 janvier 2013

L'affaire du sac de laine (1866)

Pierre Chevaux se retrouve de nouveau confronté à la justice près de 10 ans après sa condamnation pour fausses monnaies, aux termes d'évènements pittoresques et rocambolesques.

AD en ligne, Saint-Macoux,
D - 1853-1862
Gracié le 15 août 1859 de sa condamnation pour fausses monnaies, Pierre Chevaux est soumis à une surveillance à vie. Il choisit de revenir s'installer, à Lapiteau, commune de Saint-Macoux, chez sa mère Jeanne Ollivet.

Cependant, celle-ci décède le 25 janvier 1860.

Pierre Chevaux est livré à lui-même.

Tout semble bien se passer, jusqu'au mois d'octobre 1865. Chevaux comparaît à nouveau devant la justice : il s'est rendu coupable de "rupture de ban" de sa surveillance en se rendant à Civray sans autorisation.
Suite à l'audience du 17 novembre suivant, devant le tribunal correctionnel de Civray, il est condamné à un mois d'emprisonnement et aux frais de justice d'un montant de 9 francs et 50 centimes.

Malheureusement pour lui, les évènements s'enchaînent. Le 10 novembre, il avait commis un vol de linge et autres objets mobiliers. S'étant introduit dans la maison des époux Guyot, au village de Champmagnan, commune de Montalembert, il a "frauduleusement soustrait" un pot de vin et une certaine quantité d'objets de lingerie. Reconnu coupable, faisant tout de même l'objet d'une procédure de liberté surveillée, la cour le condamne, par l'audience du 8 décembre, à deux ans de prison (plus 48 francs et 25 centimes).

Le 16 décembre, il interjette appel de ce jugement, et comme, d'une part, sa peine du 17 novembre est achevée et que, d'autre part, aucun mandat de dépôt n'a été délivré contre lui, Chevaux est mis en liberté jusqu'à décision de la Cour.

A peine sorti de prison, ce larron commet une escroquerie à Civray, au préjudice du sieur Bernard. Sous un faux nom et se prétendant rentier et créancier, il obtient, le 17 décembre, du sieur Bernard, aubergiste, le gîte et le couvert. En effet, l'homme prétend attendre quelques règlements que lui doivent M. Moreau, maire de Civray, et M. Malapert, avoué, qui sont ses débiteurs. L'aubergiste, même s'il ne le croit pas vraiment, lui offre le gîte et le couvert après que Chevaux lui ait avoué possédé plus de 900 francs de rente, ce qui lui permettait de vivre confortablement. Cette situation dure jusqu'au 24 décembre, jour où il quitte furtivement l'établissement du sieur Bernard, sans payer bien évidemment.

Activement recherché en vertu d'un mandat d'amener, il est arrêté le 5 janvier 1866 par la gendarmerie de Sauzé-Vaussais (79).

Cette arrestation apparaît burlesque :

Le maréchal des logis Joseph Gauthereau, et Claude Roy, gendarme à cheval, étant à leur caserne, reçoivent ce 5 janvier 1865 le sieur Vézinat, garde-champêtre de la commune de Montalembert (79). Celui-ci leur amène Pierre Chevaux, qui se trouve sous le coup du mandat d'amener établi par le juge d'instruction de Civray. Ce sinistre individu avait été signalé le matin même vers 7 heures à Vézinat, par les gendarmes Roullet et Pinaudeau, en tournée dans la commune.
Le sieur Vézinat est accompagné de Paul Sicault, 36 ans, propriétaire au village de Champmagnan, commune de Saint-Macoux (le village est partagé en deux, la limite du département traversant même le village). Figurez-vous que vers dix-heures, ce jour-là, Jean Sicault, frère de Paul, demeurant avec lui, était venu lui dire qu'en cherchant du foin dans leur grange, il avait remarqué qu'un individu était couché dans le tas de foin. Ils y sont allés pour s'en assurer, avec quelques gros bras supplémentaires (les sieurs Ragonnaud et Bariteau, scieurs de long). Effectivement, ils avaient trouvé ce Chevaux que voilà, avec un sac rempli de laine. Après avoir examiné cette laine, ainsi que le sac, Paul Sicault reconnu que l'une et l'autre lui appartenaient, et en montant dans son grenier où il range habituellement ma laine, il avait reconnu que c'était là qu'elle lui avait été soustraite. Chevaux, interpellé par ce dernier, et en présence de son frère, et des Ragonneau et Bariteau, a fini par avouer que la veille, dans l'après-midi, pendant que Paul Sicault était à Sauzé-Vaussais et que son frère se trouvait dans une maison de servitude qu'ils possédaient dans le village, il s'était muni d'une échelle, qu'il l'avait appliqué du dehors contre la fenêtre non fermée du grenier, par où il avait alors dérobé le sac de laine.
Comme Paul Sicault avait su depuis le matin même que Pierre Chevaux était recherché par les gendarmes, il était parti prévenir le garde-champêtre, qui avait procédé à l'arrestation.

Il comparaît le 6 janvier devant la cour correctionnel de Civray pour le vol du sac de laine, et le 12 janvier, devant la même cour, pour l'escroquerie commis sur le sieur Bernard. Chevaux est condamné respectivement à 8 ans (plus 5 francs et 25 centimes) et à un an de prison (plus 13 francs et 55 centimes).
Ces deux dernières peines sont confondues entre elles et il écope d'un total de 10 ans de prison.

Pierre Chevaux arrive à la prison de Fontevraud (49), le 31 janvier 1866. Il est présenté par le sieur Jamiot, comptable, porteur d'un ordre délivré par le ministère de l'intérieur en date du 20 janvier précédent. L'acte d'écrou précise la description de Chevaux lui-même : c'est un jeune homme alors âgé de 32 ans, 1 m 67, cheveux et sourcils châtains. Il porte une cicatrice sur la joue gauche et une brûlure sous le menton (côté droit).
Jamiot remet donc l'arrêt au gardien-chef de la maison centrale, qui donne une peine de... deux ans d'emprisonnement !

Oui, deux...

Simple erreur de lecture du jugement, ou simple méprise (Chevaux a eu 3 condamnations en moins d'un mois), la durée de son arrêt sera cependant rectifié, au détriment de Chevaux.
Il apprend, durant le mois de mai 1867, que la durée de son séjour à Fontevraud sera plus longue de 8 ans. Après avoir écrit au procureur de la chambre criminelle de Poitiers, le directeur de la prison reçoit une réponse le 12 juin, qui explique l'enchaînement des peines. J'imagine que Chevaux n'a pas dû être content. Sur le registre d'écrou, la longueur de la peine est rectifiée.


Il est libéré le 18 janvier 1876 et s'installe en résidence à Ruffec (16).

(à suivre)

Un petit clin d'oeil  à Guy en particulier, que je remercie pour la dernière partie.

jeudi 3 janvier 2013

La grand évasion, suite (1878)

Voilà quelques nouvelles des évadés, que j'apprends à l'instant.
Henri Laurier, qui a interjeté appel de sa condamnation à 6 mois pour évasion, la Cour a relevé sa peine à un an. Le 30 juin, il est transféré de la rue de la Visitation à la maison centrale de Riom. Son épouse, elle, est dirigée vers celle de Vannes.
Mais c'est bien Maubé qui refait parler de lui. Décidément, il ne tient pas en place, malgré les décisions de la justice.
Une fois la sentence de la cour correctionnel de Poitiers confirmée en appel, Maubé est transféré à Bordeaux où la Cour a également, sur son appel, confirmé le jugement de Ruffec. C'est à la suite de ces nombreuses décisions judiciaires que, vers la fin du mois de juillet, Maubé est conduit à Saint-Gaudens (31), où il avait également un compte à régler.
C'est là qu'il parvient à s'évader, encore.
Malheureusement pour lui, son arrestation aux abords de Saint-Gaudens est annoncé le 28 juillet. Fort habile pour les évasions, le personnage est également très doué pour se faire arrêter !

mardi 1 janvier 2013

Les enfants naturels de Neuvy-Bouin (1888)


1888. La Guitardière, commune de Neuvy-Bouin. Le vieux père Pierre Honoré Chevallereau, avec son oeil unique, est encore droit comme un chêne, malgré ses quatre-vingts ans. On lui attribue, dans toute la contrée, des prodiges de valeur amoureuse. C'est la coutume, dans le pays, de dire que le vieillard compte autant d'enfants naturels que d'années.

On raconte qu'il avait parmi ses maîtresses les deux filles d'un de ses métayers les Anjourneau : Louise, qui lui donna 5 enfants, et Prudence, qui lui en donna 3. Un jour, pris d'un mal subit et grave, M. Chevallereau songea à se réconcilier avec le Ciel. Il fit mander le curé du village, qui ne voulut accorder une absolution complète qu'autant que le moribond réparerait quelques-unes de ses fautes passées on légitimant quelques-uns de ses bâtards.
— Il faut épouser, dit le prêtre, Mlle Prudence, dont vous avez eu trois enfants naturels.
On se mit aussitôt en quête de Prudence, qui était alors aux champs ; impossible de la rencontrer : 
— Ma foi, tant pis pour elle, s'écria le malade. J'épouserai Louise, qui se trouve à la maison. Je n'ai plus le temps d'attendre ! 
Le mariage fut célébré in extremis, et il semble que cet acte de réparation ait porté bonheur au moribond, car M. Chevallereau se rétablit comme par miracle.
Les évènements sortent de l'ordinaire, quand on sait que Pierre Honoré Chevallereau fut le maire de la commune, entre autres, de 1831 à 1848. Les actes de naissance des Anjourneau, enfants naturels de Louise ou de Prudence, sont d'un cynisme particulier, lorsque l'on sait que l'agent municipal qui rédige leur acte de naissance est leur propre père biologique :
  • Honorine Rosalie, fille de Prudence, le 16 octobre 1837 (Neuvy-Bouin,  N - 1836-1872, v.14/272),
  • Honorine Louise Virginie, fille de Louise, le 2 avril 1838 (Neuvy-Bouin,  N - 1836-1872, v.18/272),
  • Pierre Honoré, fils de Louise, le 14 mars 1839 (Neuvy-Bouin,  N - 1836-1872, v.25/272),
  • Pierre Alexandre Ferdinand, fils de Louise, le 28 mars 1840 (Neuvy-Bouin,  N - 1836-1872, v.32/272),
  • Pierre Benjamin Achille, fils de Prudence, le 5 juillet 1840 (Neuvy-Bouin,  N - 1836-1872, v.33/272),
  • Pierre François Xavier, fils de Louise, le 3 juin 1841 (Neuvy-Bouin,  N - 1836-1872, v.40/272),
Le mariage, célébré le 9 septembre 1841, légitime les enfants de Louise.

Neuvy-Bouin, M - 1836-1872, v.29/217
Les enfants de Prudence (Honorine Rosalie et Pierre Benjamin Achille), seront reconnus par leur père bien plus tard, par acte notarié du 15 février 1861. Tout de même, Prudence donnera encore un autre enfant naturel, Théodemer, par acte de naissance du 7 novembre 1842 (Neuvy-Bouin, N - 1836-1872, v.50/272).
Le dernier enfant de Louise, Louise Léonie Virginie, est né après le mariage, elle portera le patronyme de son père (Neuvy-Bouin, N - 1836-1872, v.51/272).
L'hypocrisie de M. Chevallereau sera poussé à son paroxysme lorsqu'en 1839 et 1840, les enfants Anjourneau seront "oubliés" dans le répertoire de fin d'année (Neuvy-Bouin, N - 1836-1872, v.29 et 36/272)
On remarquera également le détachement professionnel du maire lors de la rédaction de l'acte de décès du petit Théodemer, mort à l'âge d'un an (Neuvy-Bouin, D - 1836-1872, v.36/234).

1861. Poitiers. Julie Ferrand a 19 ans. Placée en apprentissage par ses parents, elle est couturière chez Mme Rias, marchande de brosses et lingère, rue de la Galère, et c'est à cette époque qu'elle rencontre Honoré Chevallereau. Il a 24 ans et est étudiant en droit à Poitiers.
Le jeune homme s'éprend de la petite couturière, que l'on dit très gentille, et lui fait une cour assidu pendant six mois. Il commande à la patronne pour être sûre de rester en contact avec la jeune Ferrand.
Un jour, Mme Rias envoie la jeune fille chez Chevallereau pour livrer une douzaine de chemises qu'il a commandées. Le jeune homme est éloquent, et Julie, restée jusqu'ici sage, se laisse aborder : neuf mois après, elle donne naissance à ses oeuvres.
Le couple vit alors à Niort, et le jeune homme est enchanté par sa paternité toute nouvelle. Prénommé Auguste, son fils sera plutôt appelé Honoré, comme son père.
Bientôt, le couple déménage à Paris, où Chevallereau doit poursuivre ses études de droit. Pendant 5 ans, le bonheur conjugal est total, et bientôt suivront 3 autres enfants : Gaston Joseph, né le 9 mars 1863, Ernest Louis Léon, né le 2 février 1865, et une petite Berthe. Cet idylle sera toutefois marquée par la perte de la petite fille.
Puis le couple revient sur Poitiers, où Chevallereau installe sa maîtresse et ses trois fils rue de la Chaîne. L'existence de Julie Ferrand est relativement heureuse, car Chevallereau la traite comme son épouse légitime. Ses fils vont au collège, mais l'Histoire va les attraper au tournant.
Chaque été, Chevallereau passe deux mois environ chez son père, à la Guitardière. Il s'y trouve précisément lorsque la guerre éclate en 1870 et Chevallereau est appelé au drapeau. Capitaine dans un régiment de ligne, il part pour Cherbourg, tandis que sa famille reste à Poitiers. La paix signée, au lieu de revenir auprès d'eux, Chevallereau va à Niort, ne donne plus de ses nouvelles et n'envoie plus d'argent.
Trois mois s'écoulent pendant lesquels Julie Ferrand attend en vain le retour de son amant. Lassée, elle se rend  à Parthenay chez le frère de Chevallereau, pour savoir ce qu'est devenu Honoré.
Elle apprend qu'elle doit se préparer à une rupture.
— Vous devriez, dit le frère, vous attendre à cela un jour ou l'autre. Croyez-moi, ne faites pas de scandale ; notre famille est honorablement connue dans le département, j'ai trois filles que je tiens à établir ; si vous prenez courageusement votre parti de la chose, nous vous viendrons en aide. Honoré donnera 25000 francs, et nous vous ferons pensions pour les enfants.
Navrée, la femme Ferrand ne peut qu'accepter, au moins pour ses fils. Quelques jours plus tard, elle reçoit de son amant 200 francs avec une lettre indiquant de l'appeler à l'aide au besoin. Il vient ensuite lui-même la voir à Parthenay et lui dit :
— Comme je veux me marier, il faut que tu quittes cette ville : sans cela, je ne te donnerai plus rien. Entre nous, c'est fini : je t'ai eue dix ans, j'en ai assez ; mais je veux te payer ta jeunesse : je te donnerais vingt mille francs le jour de mon mariage. Fais ce que tu veux, maintenant : prends un amant, marie-toi, tu es libre.
Et comme Mme Ferrand se répand en reproches, il ajoute :
— Si tu viens chez moi ou si tu ne pars pas d'ici, je ne te donnerai rien et je dirai que je ne te connais pas.
Su ces mots, il s'en va en laissant 4 pièces de 20 francs. Mme Ferrand pleure mais, ayant peur de ne plus avoir de ressources, elle obéit à son ancien amant : elle part pour Paris, vend tout son mobilier et travaille comme couturière. Comme Chevallereau envoie de temps en temps de petites sommes de 40 à 60 francs, Mme Ferrand arrive à joindre les deux bouts.

Mais en 1873, à peine un an après, la femme Ferrand est totalement délaissée. La misère s'abat sur la famille abandonnée. Les enfants en viennent à mendier dans la rue pour ne pas mourir de faim, ce qui fait redoubler d'effort à leur brave mère. Bon gré mal gré, elle parvient à s'en sortir, et les enfants grandissent.
Gaston est paralysé du côté droit à la suite d'une fièvre cérébrale. Il est recueilli par ses grands parents maternels, puis par l'hospice de Poitiers, mais bientôt renvoyé à Paris car il n'est pas domicilié dans l'arrondissement !
Les enfants Ferrand s'adresseront plusieurs fois à leur père biologique, mais ces démarches demeurent sans résultat.

Chevallereau ne s'est pas marié. Il est devenu le type même du bourgeois campagnard, jouissant, loin des agitations mondaines, d'une béatitude profonde et se souciant de peu de choses. Il s'est retiré au château de la Guitardière où vivent son père, sa soeur Virginie et son frère léon, qui, tous deux, l'aident à exploiter les fermes. Maître d'une fortune solide, ayant au soleil du bien non hypothéqué, il est devenu le maire de la commune de Neuvy-Bouin.

Un jour, Honoré et Ernest, laissant leur jeune frère Gaston, infirme, chez leur mère, partent à pied vers Poitiers. A Lencloître, Honoré perd son frère, et la gendarmerie l'arrête comme vagabond, qui de brigade en brigade, est conduit jusqu'à Poitiers même. Une parente de sa mère veut bien l'accueillir, mais celle-ci est dénuée de toute ressources et le place à l'hospice où on le garde un an, puis il retourne sur Paris. La police l'arrête de nouveau et le confie aux Enfants-Assistés. On l'expédie à Auxerre dans une succursale où il apprend le métier de corroyeur. Revenu à Paris, il devient cocher, terrassier, et dès qu'il a gagné quelque argent, il reprend le chemin de Neuvy-Bouin. Il se présente à la Guitardière et demande "Monsieur le Maire".
— Je viens vous voir, Monsieur, parce que vous êtes mon père !
— Je ne te connais pas, moi, déclare Chevallereau. Fous le camp d'ici ! Je te tirerai un coup de fusil si tu reviens !
Et se tournant vers le cocher qui avais amené son fils, il ajoute :
— Quand vous voudrez m'amener du gibier comme ça, vous pourrez le laisser à l'écurie !

Durant une dizaine d'année, Honoré  Ferrand avait fait plusieurs séjours dans les hospices, et était marqué par quelques rares moments de lucidité. En 1883, lorsqu'il atteint ses 20 ans, l'administration militaire lui répond que le séjour dans un régiment ne peut être que salutaire au jeune homme : on donne au pauvre garçon l'ordre de rejoindre le 96ème régiment de ligne. A peine arrivé au corps, il se livre à des voies de fait et passe le 20 février 1885 devant un conseil de guerre : il est condamné à deux ans de travaux publics. Malgré les demandes de grâce de sa mère, l'infortuné est envoyé en Afrique, mais on s'aperçoit bien vite qu'il est devenu complètement fou. Il est aussitôt rapatrié sur le continent et intègre l'asile de Niort.

Un jour encore, Gaston et Ernest prennent le train de Paris pour Parthenay. Ils se rendent voir leur père tout en rassurant leur mère. Mais pour eux, il faut en finir avec cette situation. Nous sommes le 5 juin 1888, et les deux frères arrivent au château de la Guitardière, où vit leur père.
Souffrant, Chevallereau tient la chambre. Les deux jeunes hommes sont reçus dans la cuisine où on leur sert à boire. Lorsque Chevallereau se décide à descendre, il les menace sans préambule et les invite à quitter les lieux.
— Sortez ! Sortez ! hurle-t-il.
Comme les deux frères ne font pas mine d'obéir, il saisit Gaston par le bras, qui en raison de son handicap, présente la plus faible constitution, et le traîne à la porte. Ernest se porte au secours de son frère.
C'est alors que Gaston sort un revolver qu'il avait sur lui et tire quatre fois : Chevallereau, mortellement atteint, s'effondre.
Au bruit, la soeur Chevallereau et une domestique apparaissent et veulent arracher le revolver des mains de Gaston, qui passe l'arme à son frère. Celui-ci met Chevallereau en joue, mais il devient apparent que c'est un geste inutile. Chevallereau est mourant.
Mme Chevallereau, renversée et tirée par les cheveux, finit par s'emparer du revolver et les deux frères sont rejetés hors de la maison.
Gaston ne pouvant courir, après le drame, Ernest le porte sur ses épaules. Ils s'enfuient, mais, bientôt rejoints, ils sont rapidement arrêtés.

Neuvy-Bouin, D - 1873-1890, v.96/111
Le procès des deux frères se tient le 5 septembre 1888 devant la Cour d'Assises des Deux-Sèvres, à Niort.
L'accusation insiste sur le fait qu'aucune preuve administrative relie Chevallereau aux frères Ferrand, quand bien même celui-ci fut leur père. Mais le peuple n'est pas dupe et la famille régnante de Neuvy-Bouin est connue.
Les jurés s'émeuvent des malheurs de cette famille, et les deux frères sont acquittés sous les vivats de la foule qui les accueillent à leur sortie du tribunal.

Le drame aura eu quelques conséquences fâcheuses cependant. On vint raconter à Honoré,  l'aîné, qui séjournait toujours à l'asile de Niort, la nouvelle du crime de ses frères. Le 8 juin, le malheureux ouvrait un fenêtre, se précipitait dans le vide et venait s'abattre sur le sol.

Niort, D - 1889, v.48/97
Sources :

  • Le Petit Parisien, éditions du 5 et 6 septembre 1888
  • et un chapitre consacré à l'affaire, dans les Causes criminelles et mondaines, Albert Bataille, 1888