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dimanche 11 mars 2012

Le mystère du Prunier de Pissard


Une histoire raconte que, de la seconde Croisade qui fut un échec, les Croisés, vers 1150, ramenèrent des pieds de pruniers de Damas dont ils avaient pu se régaler des fruits sur place. On peut alors parfaitement imaginer que, alors qu'ils faisaient au roi le compte-rendu de leur expédition, celui-ci très en colère se serait écrié : "Ne me dites pas que vous êtes allés là-bas uniquement pour des prunes !", sous-entendant "pour rien". L'entourage du roi puis le peuple aurait alors diffusé dans le pays ce sens très particulier de la « prune ».

Près de 750 ans plus tard, un français nommé Ernest François Pissard réitéra la chose.
Nasser-al-Din Shah Qajar (1831/1896) fut Shah de Perse de 1848 à sa mort. Son style de gouvernement était assez dictatorial, bien qu’il apporta quelques tendances réformistes. Il fut le premier monarque Perse à visiter l'Europe en 1871, puis en 1873 (il vit alors une revue de la flotte de la Royal Navy ainsi qu'une manœuvre militaire de grande envergure en Russie, ce qui l'amena à fonder la brigade cosaque persane) et finalement en 1889. Au cours de ses voyages, il fut impressionné par la technologie qu'il avait vue en Europe. Il était un mécène de la photographie et se fit lui-même photographier plusieurs milliers de fois. Il fut le premier iranien à se faire photographier. Il introduisit nombre d'innovations occidentales en Iran, dont un système de Poste moderne, le transport ferroviaire, un système bancaire et la publication de journaux. Ce souverain, venu à Paris en 1878 pour visiter l'exposition universelle, fut émerveillé de la beauté des jardins de Paris et de Versailles. Il voulut avoir un jardinier français. On lui recommanda M. Pissard. Il l'agréa et l'emmena avec lui à Téhéran où il le chargea de transformer les jardins de son palais.
Ernest François Pissard, médaillé de 1870, Officier du mérite agricole, Chevalier du Christ de Portugal et de l'ordre royal de Villaviciosa, est né en 1850 à Sallanches (74). Fils de Claude-Marin Pissard et de Josephte Marie Bel, il est horticulteur, comme son père. Bien que d’origine Savoyarde, il vécut à Paris et se maria en 1884 avec Marie Cécile Henry.
Prunus pissardi
En 1880, son oeuvre terminée ; M. Pissard, généreusement rémunéré, rentra en France. Il s'installa à Arcachon dans un chalet situé Boulevard de la Plage près des Pêcheries Nouvelles. Il y ramena un plant nouveau, que l’on nomma le « Prunier de Pissard ». Dans les Annales et résumé des travaux de l’année 1881 (Société Nantaise d’Horticulture), il est dit : la plante la plus remarquable qui ait été introduite depuis longtemps, dit M. Carrière, c’est assurément le Prunus Pissardi. Outre qu’elle est nouvelle et très méritante, elle constitue dans le genre Prunus une section particulière des plus intéressantes à deux points de vue : comme arbre fruitier et comme sorte ornementale. En effet, elle n’est pas seulement remarquable par la coloration de ses feuilles qui est d’un rouge intense, à reflets nuancés ; ses fruits, dès leur formation, sont également d’un rouge très foncé, caractère absolument nouveau. Le Prunus Pissardi s’élève peu et se ramifie considérablement ; il est toujours très agréable à la vue par ses feuilles, ses fleurs, ses fruits et par la couleur de son écorce qui, toujours rouge, noire et luissante, constitue un ornement perpétuel.
Ernest François Pissard s’est éteint à Talence (33) en 1934, à l’âge de 84 ans. Albert Chiché, ancien député de Bordeaux et ami d’Ernest François Pissard, disait : Brillat-Sàvarin a écrit avec raison que la découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile. On peut ajouter que la conquête d'une nouvelle plante est plus utile que la découverte d'une comète. Il convient donc d'être reconnaissants envers ceux qui, comme le botaniste Pissard ont enrichi la flore française, et contribué à l'embellissement de nos paysages.

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