mercredi 17 décembre 2014

L'apparition d'une Croix à Migné (1826)

Cet épisode assez connu s'est produit le 17 décembre 1826, au-dessus de l'Église Sainte-Croix de Migné-Auxances (Vienne), près de Poitiers.

L'apparition d'une Croix à Migné
Des rapports furent par la suite présentés à l'Évêque de Poitiers pour décrire le phénomène. Ils furent publiés en 1827 par François-Aimé Barbier, Libraire-imprimeur du roi à Poitiers.
Voici l'un d'entre eux :
Monseigneur,
Nous soussignés, PASQUIER, Curé de Saint-Porchaire, et MARSAULT, Aumônier du Collège royal de Poitiers, réunis depuis un mois et demi à M. BOUIN-BEAUPRÉ, curé de Migné, pou donner à ses paroissiens les exercices du Jubilé ; avons l'honneur de faire part à Votre Grandeur de l'évènement extraordinaire dont nous avons été témoins à la clôture de notre station. La docilité et la ferveur du plus grand nombre des habitans de cette commune nous consoloient de nos travaux, mais nous avions encore à gémir sur la résistance de plusieurs qui rendoient nuls pour eux les efforts de notre zèle. Le dimanche, 17 du présent mois, nous avons terminé les exercices du Jubilé pour la plantation d'une Croix, cérémonie à laquelle assistoient deux à trois mille personnes de Migné et des paroisses voisines. La Croix plantée, au moment où l'un de nous adressoit aux fidèles une exhortation, où il rappeloit celle que virent autrefois Constantin et son armée en marchant contre Maxence, parut dans la région inférieure de l'air, au-dessus de la petite place qui se trouve devant la porte principale de l'Eglise, une Croix lumineuse élevée au-dessus du niveau de la terre d'environ 100 pieds, ce qui nous a donné la facilité d'en évaluer à peu près la longueur, qui nous a paru être de 80 pieds : ses proportions étoient très régulières, et ses contours, déterminés avec la plus grande netteté, se dessinoient parfaitement sur un ciel sans nuages, qui commençoit cependant à s'obscurcir, car il étoit près de cinq heures du soir. Cette Croix, de couleur argentine, étoit placée horizontalement dans la direction de l'Eglise, le pied au levant, et la tête au couchant ; sa couleur étoit la même dans toute son étendue, et elle s'est maintenue sans altération près d'une demi-heure ; enfin, la procession étant rentrée dans l'Eglise, cette Croix a disparu.
On ne peut, Monseigneur, se faire une idée du saisissement religieux qui s'est emparé des spectateurs à l'aspect de cette Croix : presque tous se sont à l'instant jetés à genoux, en répétant avec transport, et les mains élevés au Ciel, le cantique Vive Jésus, vive sa Croix !
Ce prodige, que nous attestons, qu'attestent avec nous les soussignés, et ce sont prêts à attester avec eux tous ceux qui ont été témoins oculaire, a produit d'heureux effets ; dès le soir même, et encore plus le lendemain, plusieurs personnes qui s'étoient montrées rebelles à la grâce, se sont approchées du tribunal de la pénitence et se sont réconciliées avec Dieu.
PASQUIER, Curé de Saint-Porchaire ; MARSAULT, Aumônier du Collège royal, BOUIN-BEAUPRÉ, Curé de Migné ; NAUDIN, Adjoint ; MARROT, Fabricien ; SURAULT, Fabricien ; LANDRY, Maréchal des Logis de la Gendarmerie de Poitiers ; FOURNIER, ancien Adjudant sous-officier, et quarante-une autres signatures.
Migné, le 22 décembre 1826

samedi 6 décembre 2014

Une leçon clinique à la Salpêtrière

Alors que la guerre fait rage dans le nord de la France, le quotidien "le Journal de la Vienne", reçut un appel téléphonique de Couhé-Vérac :

Le journal de la Vienne
7 décembre 1914
André Brouillet était mort.



Peintre académique "spécialisé dans les scènes de genre, les portraits et les paysages", Pierre Aristide André Brouillet naquit le 1er septembre 1857 à Charroux.
Héritier d'une famille bourgeoise, il était le fils de Pierre Amédée, lui aussi artiste peintre, qui fut directeur de l'école de dessin et d'architecture de Poitiers puis conservateur du musée de la même ville, et le petit-fils d'André François Brouillet, notaire à Châtain et à Charroux, qui se rendit célèbre par ses fouilles aux grottes du Chaffaud, à Savigné, les premières en France à avoir présentées une approche scientifique de l'exploration de la Préhistoire (voir la page dédiée sur le site de la commune et sur le blog de Gérard Minault).

Jean Brouillet (~1613-1693)
époux de Marie Delafond

André Brouillet (~1653-1719)
marchand à Charroux
époux de Renée Thomas (~1639-1694)
puis de Renée Marchadier (~1658-1713)

André Brouillet (1697-1766)
époux de Madeleine Crévelier

André Brouillet (1725-1806)
bourgeois de Charroux
époux d'Antoinette Parat (~1723-1808)

François André Brouillet (~1760-1830)
arpenteur et géomètre
époux de Modeste Bertille Bourdier (1764-?)

André François Brouillet (1788-?)
notaire à Châtain et Charroux
époux de Marie-Anne Virginie Malapert-Dumont (1797-?)

Pierre Amédée Brouillet (1826-?)
artiste peintre
époux de Marie Geneviève Élisabeth Lériget (1826-1897)

Pierre Aristide André Brouillet (1857-1914)
peintre


Il entreprit des études d'ingénieur avant d'entrer à l'école des Beaux-Arts où il fut l'élève de Jean-Léon Gérôme, puis de Jean-Paul Laurens.
Il entreprit des études d'ingénieur avant d'entrer à l'école des Beaux-Arts où il fut l'élève de Jean-Léon Gérôme, puis de Jean-Paul Laurens.

"un chantier" — 1883
Sa toile probablement la plus célèbre est la fameuse "leçon clinique à la Salpêtrière", qui représente Jean-Martin Charcot lors d'une de ses célèbres leçons du mardi, examinant Blanche Wittmann, une patiente hystérique. Ce médecin est le découvreur de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), qui porte, en France, son nom.
Sur la peinture, on retrouve parmi les assistants Théodule RibotPaul Richer ou encore le neurologue poitevin Georges Gilles de la Tourette et Joseph Babinski.

"une leçon clinique à la Salpêtrière" — 1887
Brouillet s'adonna à la peinture orientaliste, à la faveur de ses séjours en Algérie, où il épousa Emma, une femme de l'élite juive constantinoise. Il eut également l'occasion de se rendre en Grèce où il réalisa, en 1904, le portrait de la reine Olga de Grèce.
Il avait été fait chevalier de la légion d'honneur, le 3 avril 1894, par le ministère de l'instruction public, puis fut reçu officier le 11 octobre 1906. Cette même année, il reçut en même temps la médaille d'or du Salon où il présentait sa grande composition pour la Sorbonne "Les étudiants acclament Edgard Quinet et Edmond Michelet le 6 mars 1648 lorsqu'ils reprennent possession de leur chaire".

Fiche Wikipedia.

le Journal de la Vienne
8 décembre 1914
Le collège de Couhé porte son nom.

dimanche 30 novembre 2014

Une famille maugeoise à Charroux

Durant mes voyages temporels parcourus à la recherche de Victor Bénéteau, l'un des enfants de Savigné morts pour la France, je me suis intéressé à une famille particulière, originaire des Mauges (Maine-et-Loire), et s'alliant avec d'autres migrants ou avec des personnes du coin, à partir de 1835-1840. Ironie de la vie, je rejoins cette généalogie étrangère au Poitou par mon aïeul Jean-Baptiste Coulonnier, grand-père maternel de ma grand-mère paternelle (l'un des rares migrants de mon ascendance), venu lui aussi des Mauges à la fin du XIXe siècle pour s'installer dans le sud de la Vienne (j'ai raconté cette histoire de migration dans les articles de la "chronique des Coulonnier").




Cette histoire commence par un mariage, qui eut lieu le 24 juillet 1810, à Saint-Germain-sur-Moine : celui de Jacques Chevalier, né le 4 avril 1785 au Puiset-Doré, fils de Jean, cultivateur audit lieu, et de Jeanne Durand, et de Renée Bretaudeau, née le 28 janvier 1788 à Saint-Germain-sur-Moine, fille d'André, farinier audit lieu, et de Jeanne Coutelleau.



Extrait du site du département du Maine-et-Loire

Le couple vécut au village de la Grenouillère, à Saint-Crespin-sur-Moine, où Jacques fut cultivateur et laboureur, et où naquirent :

  • Jacques, né le 29 mars 1813,
  • Marie, née le 12 janvier 1816,
  • Jeanne, née le 18 mars 1818, qui mourut le 4 décembre 1828,
  • Jean-Baptiste, né le 20 août 1820,
  • Pierre, né le 16 janvier 1823,
  • Rosalie, née le 7 juin 1825,
  • Françoise, née le 10 mars 1828,
  • Joseph, né le 31 mai 1830, sur la déclaration de Perrine Bonhomme, sage-femme.
Renée, la dernière, naquit le 5 mai 1834 au moulin du Puteau, à Saint-Germain-sur-Moine.



C'est entre cette dernière date de naissance et 1843 que la famille va venir s'installer au village de Chez Bonnesset, commune de Charroux, dans le sud de la Vienne.

Ce trajet, mon aïeul allait également le faire, près d'un demi-siècle plus tard.


Extrait du site de la Carte Scolaire de la Vienne - SNUipp & FSU 86

Au cours des années qui suivirent, peu à peu, leurs enfants fondèrent des foyers dans cette nouvelle région.
Jacques et Jean-Baptiste se marièrent le même jour, le 28 novembre 1843, à Charroux, avec deux soeurs : respectivement Jeanne Péreau et Babeth Jeanne (dite Élisabeth) Péreau, filles des défunts Pierre et Jeanne Thibeau. Celles-ci étaient originaires de Cugand (Vendée), et vivaient avec leurs deux frères aînés, Pierre et Joseph, au village de Chez Bonnesset. Ensemble, les deux couples s'installèrent par la suite au village du Châtelet, vers 1860.


Extrait de la carte IGN
Jacques Chevalier mourut le 20 avril 1846 à Chez Bonnesset. Ses filles se marièrent :
  • Rosalie épousa, le 5 septembre 1848, à Charroux, François Bénéteau, propriétaire originaire de Surin, fils d'André et de Catherine Rouché. Le couple s'installa au village des Renardières, à Charroux.
  • Renée épousa, le 10 septembre 1845, Jean André, cultivateur à Chez Blaud de Charroux, natif de Saint-Hilaire-de-Loulay (Vendée), fils des défunts Jean et Marie Petit, veuf en secondes noces d'Anne Poiron.
  • Françoise, alors domestique à Chez Bonnesset, épousa, le 5 octobre 1853, Symphorien La Pelouse, sabotier, né vers 1824 à Échemiré, fils de père et mère inconnus. Elle avait donné naissance, auparavant, à Amédée Valentin Chevalier, né le 31 août 1850.





La famille Chevalier habitait, en 1851, au village de Chez Bonnesset. Cette année, on recensa un foyer composé de Joseph et de Pierre Péreau (frères des soeurs épouses des Chevalier), et de leur domestique, ainsi que du foyer des Chevalier lui-même, composé de Jacques et de Jeanne Péreau, sa femme, de leurs enfants Jacques, Jeanne et Lisa :
  • Jacques le jeune naquit en fait sous les prénoms de Léon Joseph, le 26 septembre 1844,
  • Jeanne naquit le 2 mai 1846,
  • et la dernière, Lisa, naquit sous le prénom d'Élisabeth, le 22 février 1849.
Jean-Baptiste, apparaissant sous le prénom de Jean dans le recensement, et sa femme Jeanne Babeth (sous le prénom d'Élisabeth), partageaient le foyer, avec Renée Bretaudeau.

Recensement de la population - Charroux - 1851 (v. 40/63)
Chez Bonnesset
Recensement de la population - Charroux - 1851 (v. 41/63)
Chez Bonnesset

Le recensement de 1856 ne montra pas d'évolution du foyer :



Recensement de la population - Charroux - 1856 (v. 20/34)
Chez Bonnesset

En 1861, la famille était installé au village du Châtelet :



Recensement de la population - Charroux - 1861 (v. 29/36)
Le Châtelet


De même que 5 ans plus tard :


Recensement de la population - Charroux - 1866 (v. 21/36)
Le Châtelet


Léon Joseph Chevalier, cultivateur au Châtelet, épousa, le 28 septembre 1868, Françoise Mezil, fille de Jean et de Marie Chaumette.
Renée Bretaudeau mourut le 4 mars 1870 au Châtelet.
De l'union de Léon Joseph Chevalier et de Françoise Mezil naquit un fils unique : Auguste Léon, le 2 juillet 1871 au Châtelet. Le 16 août suivant, sa soeur Élisabeth, lingère, épousait Pierre Carzant, maçon au chef-lieu de Charrous, fils de Pierre et de Magdeleine Lambert.
Sur le recensement de 1872, on retrouvait la famille au Châtelet :


Recensement de la population - Charroux - 1872 (v. 33/35)
Le Châtelet
5 ans plus tard, on retrouvait les mêmes.


Recensement de la population - Charroux - 1876 (v. 32/35)
Le Châtelet

Babeth Jeanne Péreau mourut le 21 juillet 1877 au Châtelet.



Recensement de la population - Charroux - 1881 (v. 24/38)
Le Châtelet
Recensement de la population - Charroux - 1881 (v. 25/38)
Le Châtelet

5 ans plus tard, le foyer n'avait pas évolué.



Recensement de la population - Charroux - 1886 (v. 25/38)
Le Châtelet
En 1891, le recensement montre une bonne situation sociale de la famille, puisqu'elle emploie une servante.

Recensement de la population - Charroux - 1891 (v. 25/39)
Le Châtelet

Jacques Chevalier père mourut le 13 mai 1891 au Châtelet, à l'âge de 78 ans. La famille, qui ne comprenait, au recensement de 1896, que Léon Joseph, sa femme et son fils, ainsi que son oncle Jean-Baptiste, employait alors deux domestiques.

Recensement de la population - Charroux - 1896 (v. 22/34)
Le Châtelet

Auguste Léon mourut le 11 octobre 1897 au Châtelet, à l'âge de 26 ans.  Son grand-oncle Jean-Baptiste, décéda à son tour le 2 juillet 1899, au même village. Au recensement de 1901, on ne retrouvait que Léon Chevalier, qui avait perdu sa femme le 24 février 1901, et 4 domestiques. L'un d'eux, Roger Bénéteau, était le petit-fils de Rosalie Chevalier.

Recensement de la population - Charroux - 1901 (v. 34/36)
Le Châtelet

Merci d'avoir suivi avec moi cette petite famille d'origine Maugeoise, devenue Charloise. 





















Jacques Chevalier (1785-1846), époux de Renée Bretaudeau




Jacques Chevalier (1813-1891), époux de Jeanne Péreau Marie Chevalier (1816-) Jeanne Chevalier (1818-1828) Jean-Baptiste Chevalier (1820-1899), époux de Babeth Péreau Pierre Chevalier (1823-?) Rosalie  Chevalier (1825-1882), épouse de François Bénéteau Françoise Chevalier (1828-?), épouse de Symphorien La Pelouse Joseph Chevalier (1830-?) Renée Chevalier (1834-?), épouse de Jean André




Léon Joseph Chevalier (1844-?), époux de Françoise Mezil Jeanne Chevalier (1846-?) Élisabeth Chevalier (1849-?), épouse de Pierre Carzant


Auguste Léon Chevalier (1871-1897)

Cela montre bien les flux migratoires qui existaient au début du XIXe siècle.

Toutefois, ces flux ne furent importants qu'à la fin de ce même siècle, avec la création de la voie ferrée entre Saint-Saviol et le Blanc (Charroux était l'un des villages desservis).

mardi 19 août 2014

Renard et le réseau

Louis Renard,
extrait du site VRID
Lorsque l'on parle de résistance dans la Vienne durant l'occupation, on pense particulièrement au "réseau Renard", créé en 1940 par Louis Renard.
Je reste plutôt attaché au XVIIe et XVIIIe siècle, aussi ne suis-je pas vraiment un spécialiste de la question. Aussi, je me permets de vous renvoyer à de nombreuses biographies et monographies sur le sujet, pour plus de détails (du reste, ce sont mes sources, comme notamment le VRID — Vienne Résistance Internement Déportation ou la monographie sur le réseau Renard, éditée par ONAC). Je m'excuse donc pour cette biographie maladroite.
Louis Renard, né le 7 décembre 1893 à Poitiers, était le fils de Georges Louis Alexis Renard, négociant demeurant rue des Cordeliers (futur Monoprix — je présume), et de Clothilde Marie Berthe Périssé.
Il eut un frère, Henri François Étienne, né le 15 avril 1895 en cette même ville, et qui mourut de blessures de guerre à Crouy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne), le 25 juillet 1918, et à ce titre, doit apparaître dans le recensement de notre ami Fred. Du reste, Louis lui-même échappa de peu à la mort : il eut le poumon perforé en 1914 et perdit l'oeil droit à Verdun en 1916. Ses blessures et sa conduite lui valurent la légion d'honneur (Chevalier en 1916 et Officier en 1937), et la Croix de guerre avec palmes[1].
Capitaine de réserve et avoué au tribunal civil de profession, il fut mobilisé en 1939 et n'accepta pas la défaite. Le 31 août 1940, il écrivit au général de Gaulle et créa, avec un groupe de proches, un journal clandestin : "Le Libre Poitou", qui parut régulièrement entre octobre 1940 et septembre 1942.
Gaston Chapron, huissier de justice dont l'étude se situait à proximité de celle de Renard, créa dans le même temps un groupe d'une dizaine de personnes dont les objectifs étaient le renseignement, le sabotage et l'organisation de filières pour le passage de la ligne de démarcation. Leur premier coup de maître, le 7 avril 1941, fut la prise en charge de l'équipage d'un bombardier britannique, contraint de se poser près de Maillé, qui, grâce à ce réseau, rejoignirent Marseille. Renard le découvrit et les deux groupes fusionnèrent. Celui-ci en devint le chef. Le réseau Renard prit de l'importance dans la Vienne, et on en comptait plus de 150 membres en 1942. 
Malheureusement, l'année 1942 devint la sinistre année du groupe. Le 30 juillet, des agents postaux à Niort découvraient dans un colis des documents à tendance "gaulliste" et avertirent leur hiérarchie, qui prévint les autorités. Le colis fut remis à son destinataire (Verbruggen, correspondant de Renard à Niort), qui fut arrêté. Par la suite, Louis Renard lui-même était arrêté, le 31 août, à Ligugé, bien après que les archives du réseau ne fussent découvertes par les autorités. Louis Renard, lors de son interrogatoire le 11 septembre suivant, ne peut que « mesurer l'étendue des dégâts ».
Une centaine de personnes sont arrêtés, et une trentaine d'entre eux sont inculpées de "menées antinationales". Celles-ci sont transférés à Fresnes le 12 février suivant, puis envoyées en Allemagne à la prison de Trèves le 18 février, et le lendemain au camp de concentration d'Hinzert (Louis Bordas et Joseph Riedinger y moururent). Enfin, ils furent emmenés à la prison de Wolfenbüttel, où un simulacre de procès condamna à mort dix d'entre eux : Louis Renard, Louis Cartan, Théodore Lefebvre, Jacques Moreau, Jacques Levrault, Clément Péruchon, le civraisien Pierre Pestureau, que j'évoque ici, Paul Préaux, Louis Toussaint et le père Lambert de l'abbaye de Ligugé. Ils furent guillotinés le 3 décembre 1943, ne sortant de leur cachot que pour se rendre à l'échafaud, tout en chantant La Marseillaise. Par la suite, nombre de leurs compagnons moururent dans les camps ou dans les prisons (parmi lesquels, notamment, l'ancien secrétaire d'état à la guerre Gaston Hulin).
Le titre du "Libre Poitou" fut repris après la guerre. Il existe toujours, ayant pris le titre actuel de "Centre-Presse", en 1958, lors de son rachat par Robert Hersant.

Comme je l'évoquai au début de cette note, Louis Renard était fils d'un négociant, Georges Louis Alexis Renard et de Clothilde Marie Berthe Périssé. Ses ancêtres Renard venaient de Montoire-sur-le-Loir (Loir-et-Cher), où l'un d'eux fut vignerons. Sa grand-mère paternelle, Louis Adrienne Fougeray, avec laquelle son père tenait boutique en 1891 à Poitiers, avait des origines sarthoise (Sainte-Cérotte) et tourangelle (Loches).
Je me suis demandé si je n'avais pas un lien de parenté avec Louis Renard, en recherchant, pourquoi pas, dans son ascendance maternelle. Clothilde Périssé, native de Vouillé, était la fille de Jean-Philippe Périssé, gendarme à cheval, et de Louise Radégonde Honorine Abonneau. Les Périssé étaient originaires de Haute-Garonne (Estadens pour être précis), et les Abonneau de Vouillé même. Je n'ai pas dénombré pour l'instant un seul de mes ancêtres dans ce secteur de la Vienne (ouest et nord-ouest de Poitiers). Brigitte, et si tu lis ses lignes, peut-être es-tu concernée ?
Toutefois, la mère de Louise Radégonde Honorine Abonneau, Marie-Louise Deschamps, était native de Poitiers intro-muros. Les Deschamps m’entraînent vers les Chevessier, famille dont la plupart des hommes furent charrons à Montierneuf, et dont je suis descendant (mes ancêtres originaires de Poitiers même se comptent sur les doigts d'une main, c'est donc une coïncidence peu ordinaire).
Maurice Chevessier
(~1614-1649),
époux de Françoise Chrestien
(~1620-1653)
Louis
Chevessier
(1644-1700),
époux de Catherine Gond (puis d’Antoinette Rousseau)
Geneviève Chevessier
(1646- ?),
épouse de Jacques Desmontagnes (puis d’Hilaire Février)
Jean
Chevessier
(1677-1710),
époux de Marie Levrault
Michel Desmontagnes
(1672-?),
époux de Marie Surreau
Pierre René Chevessier
(1709-1768),
époux de Marie Minereau
Marie-Jeanne Desmontagnes
(1700-1770),
épouse de Pierre Pelletier
Louise
Chevessier
(1742-1814),
épouse de Simon Deschamps
Marie-Jeanne Pelletier
(1731-1796),
épouse d'André Provost
Pierre Deschamps
(1766-1840),
époux de Marguerite Cartaud
Pierre
Provost
(1766-1820),
époux de
Marie
Sandillon
René
Renard
(1786-1855),
époux de
Marie
Bagland
(1792-1840)
Étienne Louis Fougeray
(1803-1869),
époux de Marthe Pauline Bourgeois
(1807-1867)
Jean-François Périssé
(1788-1865),
époux de Jeanne Anne Duchein
(1796-1850)
Marie-Louise Deschamps
(1814-1892),
épouse de
Joseph
Abonneau
(1815-1894)
Pierre
Provost
(1798-1866), époux de
Suzanne
Rivière
(1803-1845)
Louis
Jean
Renard
(1831-1866)
Louise
Adrienne
Fougeray
(1834-?)
Jean-
Philippe
Périssé
(1838-?)
Louise Radégonde Abonneau
(1843-?)
Marie Provost
(1828-1898),
épouse de Jacques Pissard
Georges Louis
Alexis
Renard
(1861-?)
Clothilde Marie
Berthe
Périssé
(1866-?)
Charles Pissard
(1859-1923),
époux de Marie-Léontine Bardeau
Louis Renard
(1893-1943),
époux de Marie Germaine Thérèse Marsaudon
Louis Pissard
(1885-1932),
époux de Marcelline Georgine Lebeau
(1888-1981)
mes grands-parents
mes parents
et moi !



Notes :
[1] — Louis Renard sur Wikipedia.

dimanche 20 juillet 2014

Légionnaires de génération en génération

Voici un extrait d'une série publiée dans le Figaro, supplément littéraire du dimanche, édition du 4 juillet 1914, intitulée "À travers les Revues" — Soldats :

Voici Jabouille ; Antoine Jabouille, né en 1764; fils de Jacques Jabouille, chirurgien-major et procureur de la commune à Pionsat. Jabouille Antoine fera une carrière ; il deviendra chef d'escadrons de gendarmerie et sera chevalier de la Légion d'honneur. Provisoirement, il n'est pas très content. Il a été promu lieutenant de gendarmerie et envoyé à Maubeuge, dans de mauvaises conditions. Le 20 octobre 1793, il cherche «des souliers et des chemises pour la division». Des souliers et des chemises, il en trouve. Ce qu'il ne trouve pas, c'est, pour lui, de la nourriture. Il s'est procuré du vin mais pas de pain ! Maubeuge, tous ces derniers temps, était entourée d'ennemis ; on l'a débloquée mais elle est dépourvue de tout. Il faut payer dix sols une once de tabac.
Jugez d'après cela s'il fait bon dans les auberges.
Lieutenant de gendarmerie, c'est « un fort joli poste ». L'on y a, de la tranquillité, peu de comptabilité, peu de responsabilité. Rien à faire, en somme. Mais on a chargé Antoine Jabouille d'une autre besogne : il fait fonctions de quartier-maître trésorier. Marque de confiance, et flatteuse, dit Jabouille, mais onéreuse. Le quartier-maître qu'il remplace, et qui est malade, continue à jouir de ses appointements. Jabouille n'a que la solde de son grade ; et des dépenses !...
A ma réception, j'ai fait des dépenses qui sont d'usage à la troupe. Je suis obligé de faire des emplettes. J'ai acheté un cheval de six cents livres, je ne l'ai pas encore payé il est vieux, mais ils sont si chers qu'il m'est impossible de choisir. Je le fatigue beaucoup, mais il est fort et pourra me faire de l'usage. Il me faudra bientôt un manteau ciré. Je vous assure que j'ai besoin de me ménager, surtout si je ne veux pas toucher à la somme que j'ai à Paris. 
Ce que Jabouille supporte le plus mal, c'est l'ennui d'un poste où il n'a plus «l'avantage de voir l'ennemi». Toujours au trésor : «cette place convient parfaitement à un capon !»
Ce qui le, tourmente aussi, c'est un grand chagrin c'est un grand chagrin d'amour malheureux. 
J'ai un reproche terrible à vous faire, mon cher père. Vous savez que, dans mon dernier séjour à Paris, je vous parlai mariage. Vous me le portâtes bien loin. Mon frère cadet ne disait pas tout à fait de même. Il me disait seulement que ma prétendue était encore trop jeune elle avait quinze ans. 
Et puis, la prétendue est morte. 
J'ai considérablement perdu. Figurez-vous une femme pleine de talents, de douceur, de beauté, parlant trois différentes langues et les écrivant de même, enfin dont l'éducation a plus coûté que n'ont vaillant toutes les filles de Pionsat. Je pleure pas facilement ; mais, si vous l'eussiez connue, vous sentiriez ma douleur...
Seulement, voilà le père Jabouille ne connaissait pas la prétendue de son fils. Et il s'est figuré — comment ? pourquoi ? — et il s'est figuré que son fils allait épouser une fille de peu. 
Ces sortes de filles, répond le fils de Jabouille, peuvent être parfois pour mes plaisirs mais je n'en ferai jamais ma femme. 
Jabouille a beaucoup de chagrin. Mais, plus tard, après la guerre, il se consola tel est l'effet du temps il se maria et il eut un fils, Edme-Thomas, qui fut officier dans la Jeune-Garde.

Connaissez-vous l'Ordonnance royale du 8 octobre 1814 ? D'après ce qu'en dit Wikipedia, la "troisième génération successive de titulaires de la Légion d’honneur pouvait bénéficier de la noblesse héréditaire. Cette disposition, tombée en désuétude mais jamais abolie, provenait de l'ordonnance royale du 8 octobre 1814 qui dispose que lorsque l'aïeul, le fils et le petit-fils auront été successivement membres de la Légion d'honneur et auront obtenu des lettres patentes, le petit-fils sera noble de droit et transmettra sa noblesse à toute sa descendance". Je n'avais jamais rencontré le cas de distinctions sur trois générations, voilà donc celui que je trouve. Tout commence par une famille de notables établies sur les rive du lac de Vassivière, qui s'étendit vers Évaux (et Montluçon) et Pionsat.
François Jabouille, notaire royal de Pallier (1686-1728), lieutenant de la justice de la Nouaille
Jean-Baptiste
Jabouille
(~1686-1759),
bourgeois de Royère, notaire royal (1729-1739), succédant à son père par lettre de provision du 8 juillet 1729, époux de Thérèse Darfeuille
(au moins 11 enfants, dont)
Antoine Jabouille
(~1691-1771),
bourgeois (1739) puis marchand d’Évaux (1740), fermier des seigries d’Évaux, Reterre et Fontannière (1751-1762), greffier au baillaige de Combraille (1767), époux de Paule Lasalle
(au moins 9 enfants, dont)
Toussaint Jabouille
(~1701-1781),
notaire royal de Gentioux (1739-1781), succédant à son  frère par lettre de provision du 30 décembre 1739
François Jabouille
(1729-1803),
huissier, époux de Marie Bourzat
Jacques Jabouille
(1731-1807),
chirurgien juré, époux de Marie Pradon
Jean-Baptiste Jabouille
(1733-1792),
procureur en l’élection d’Évaux, époux de Marguerite Camus
Jean-Baptiste Gérard Jabouille
(1749-1824),
contrôleur des contributions directes du 1er arrondissement de l’Allier (1814), époux d’Anne Chabot

Antoine Jabouille, comme il est mentionné dans le texte précédent, était le fils de Jacques, chirurgien juré, et de Marie Pradon. Il fut baptisé le 19 mai 1764 à Pionsat. Après sa campagne à Maubeuge, il épousa Marie-Joséphine Élisabeth de Louvrex, native de Liège. Il fut, comme capitaine de gendarmerie, décoré de la Légion d'Honneur vers 1815. Il mourut le 21 mai 1834 à Rive-de-Gier (Loire).

Son fils, Edme Thomas Jabouille, naquit le 15 octobre 1797 à Liège. Il fut, en 1813, élève du Prytanée de la Flèche (Sarthe), puis de Saint-Cyr, avant d'intégrer l'année suivante le 9e régiment des voltigeurs de la garde impériale (sous le grade de sous-lieutenant). Dans le 40e de ligne, il fut en non-activité par suite d'un licenciement, en 1815, puis démissionnaire en 1817. Le 2 novembre 1824, il intégra le 2e régiment des dragons, dont il devint l'un des brigadiers en décembre, puis fourrier (mars 1825), maréchal des logis (décembre 1825) puis en chef (mai 1828), sous-lieutenant (septembre 1830) et enfin lieutenant (mai 1832). C'est à ce titre qu'il fut reçu chevalier de la Légion d'Honneur, par décret du 16 juin 1832. Il était alors lieutenant de gendarmerie en résidence à Ruffec (Charente), lorsqu'il épousa, le 27 mai 1839, à Poitiers, Rose Petit, fille de Louis et de Rose Brault (celle-ci était une descendante directe de mon ancêtre Jacques Petit, v. PETIT de la Bougonnière). Il mourut à Poitiers, le 14 juillet 1860.

Leur fils, Louis Arthur Jabouille, naquit le 23 octobre 1842 à Ruffec. Il était étudiant en droit, en 1863, puis avocat en 1865 à Poitiers. Le 4 septembre 1870, il était secrétaire particulier du préfet de la Vendée, et le 1er novembre suivant, lieutenant d'un corps franc formé par ledit préfet. Le 1er novembre de la même année, il fut nommé substitut du procureur de la république de Saintes, mais en raison de la campagne à laquelle il prenait part, il ne put rejoindre son poste que le 1er mars 1871. Ce fut à Saintes, qu'il épousa, le 16 septembre 1873, Emma Jenny Lejeune, fille de Charles Émile, chef d'exploitation au chemin de fer des Charentes, et de Victorine Henriette Brunet. Il quitta son poste le 13 avril 1876, lorsqu'il fut nommé sous-préfet de Dôle (Jura). Le 17 mai 1877, il était révoqué de ses fonctions (suite à la crise de la veille), mais y fut réintégré le 30 décembre suivant. Le 15 mars 1879, il fut nommé préfet du Jura. C'est à ce titre qu'il fut reçu Chevalier de la Légion d'Honneur, par décret du ministère de l'intérieur du 12 juillet 1880. Le 17 novembre suivant, il fut nommé préfet de l'Oise, puis préfet du Maine-et-Loire (au 1er mai 1882). Alors en qualité de préfet du Doubs, en poste depuis le décret du 23 avril 1885, il mourut le 25 février 1887 à Paris-8e, des suites d'une opération d'un cancer de la gorge.

Si j'en crois l'ordonnance, ce dernier Jabouille a dû être anobli automatiquement, mais son acte de décès ne fait aucune mention d'un anoblissement. Son fils aîné, Pierre Charles Edmond Jabouille, naquit le 25 novembre 1875 à Saintes. A ma grande surprise, je découvrais que celui-ci possède une fiche wikipedia : il fut un ornithologue ayant travaillé en Indochine. Il mourut le 14 mai 1947 à Paris-16e. J'ignore si sa lignée se poursuit. Il avait un frère, Paul Louis Edmond Jabouille, né le 6 février 1884 à Angers, qui fut marié, le 4 juin 1917 à Soleure (Suisse), à Simone Gabrielle Lasalle.