Le soldat Theulière
Mon arrière grand-père, Eugène Theulière, naquit le 22 novembre 1888 à Saint-Coutant, en Charente. Son père, Martial, originaire de cette même commune, un grand gaillard cultivateur de 50 ans, avait épousé, douze ans plus tôt, Mariette Vergnaud, de 21 ans sa cadette, venue de Saint-Claud.
Mon arrière grand-père, Eugène Theulière, naquit le 22 novembre 1888 à Saint-Coutant, en Charente. Son père, Martial, originaire de cette même commune, un grand gaillard cultivateur de 50 ans, avait épousé, douze ans plus tôt, Mariette Vergnaud, de 21 ans sa cadette, venue de Saint-Claud.
Je ne connais pas grand chose sur son enfance et son jeune âge. Leur milieu social modeste, le temps déjà ancien, a effacé ces premières années au village de Fontcreuse, petit village perdu dans les bois, tout près du lieu où la Charente et la Vienne faillirent s'unir pour toujours pour changer à jamais la configuration de ce beau pays.
Eugène fut inscrit sur la liste de Champagne-Mouton sous le n°50, classe 1909. Son signalement nous permet de le connaître un peu mieux :
- cheveux et sourcils châtains,
- yeux gris, front ordinaire,
- nez moyen, bouche moyenne,
- taille : 1 m 58.
Est-ce une photo d'Eugène ? Ma grand-mère n'en était pas sûre |
Il est précisé qu'il possédait un degré d'instruction générale de 3.
Le soldat Theulière était prêt. Appelé à l'activité le 7 octobre 1909, il arriva au corps le même jour, au 107e régiment d'infanterie, en garnison à Angoulême. Entré comme soldat de 2ème classe, il passa caporal le 25 septembre 1910, on lui accorda un certificat de bonne conduite et il fut renvoyé dans la disponibilité le 24 septembre 1911. Il fut rattaché au régiment d'infanterie d'Angoulême, et s'installa à Puyréaux, tout près de Mansle. A ce jour, j'ignore pourquoi.
Et puis, ce fameux 3 août...
Extrait du Petit Parisien, 3 août 1914 |
Le soldat Theulière, parmi tant d'autres, fut mobilisé et arriva au corps le même jour. Bruno Rivet, ce jour, me donna une idée de ce qu'il fit (merci), puis parti aux armées le 6 août 1914.
Il fut nommé sergent le 27 avril 1915, passa au 107e Régiment d'Infanterie le 27 mai 1915, puis au 10e Bataillon de Chasseurs à Pied le lendemain.
Trois semaines plus tard, d'après le J.M.O., du 16 au 20 juin 1915, le 10e BCP opéra "dans le Bois Carré, vers le boyau d'Angres et sur le chemin creux". Eugène fut évacué blessé le 19 juin 1915, suite à une "plaie au coude gauche, avec fracture, par balle". Un commentaire du 20 novembre 1915 évoqua un "très bon sous-officier, courageux et énergique. Il s'est particulièrement distingué pendant les combats du 16, 17, 18 et 19 juin 1915".
Il retourna aux armées le 26 septembre 1916.
Le 3 juin 1918, le bataillon se situait dans les plateaux entre Vaux et Pernant. Sous les bombardements ennemis, la troupe devait traverser un vrai billard. Nombreux furent ceux qui tombèrent et furent laissés à leur sort, mentionnés "disparus" dans le J.M.O. On ignorait alors s'ils avaient été tué, blessés ou prisonnier. Le soldat Theulière fut du nombre. Après avoir été blessé à la tête par un schrapnel, il fut fait prisonnier.
J'ignore totalement ce qui se passa pour lui ensuite. De cette période, je ne possède qu'un seul écrit :
Il fut rapatrié le 12 décembre 1918 et on lui donna permission au dépôt le 14 janvier 1919. La suite fut une succession de commissions, suite aux blessures de ses combats :
- Classé Service Auxiliaire, il fit monté un dossier à constituer par le Commission de Réforme d'Angoulême du 6 mai 1919 pour "fracture par balle du bras gauche, 1/3 inférieure, avec gêne fonctionnelle notable".
- maintenu Service Auxiliaire et pensionné temporaire à 15% par la Commission de Réforme de Limoges du 2 septembre 1919 pour "fracture ancienne de l'extrémité inférieure de l'humérus gauche avec limitation à 75° des mouvements de flexion, mouvements de supination limités. Brèche osseuse du vertex avec cicatrice à fond dure. Céphalées après la fatigue". par la suite, il fut envoyé en congé illimité le 4 septembre 1919.
- maintenu Service Auxiliaire proposé pension temporaire 15% par la Commission de Réforme de Limoges du 12 mai 1922 pour "1° fracture ancienne de l'extrémité inférieure de l'humérus gauche avec limitation de 75° des mouvements de flexion. Limitation de la supination, diminution de la force musculaire. 2°) légère brèche osseuse du vertex, cicatrice à fond dure non pulsalile ni impulsive, se plainte de céphalées et de vertiges".
- maintenu service auxiliaire proposé pour une pension définitive (article 7) avec évaluation de l'invalidité à quinze pour cents décision de la Commission de Réforme de Limoges du 3 mai 1923 pour "1° raideur du coude gauche limitant à 75° les mouvements de flexion gênant les mouvements d'extension complète et de supination, légère amyotrophie. 2° légère brèche osseuse intéressant la table externe".
Classé "sans affectation" le 1er août 1927 et dégagé de toute obligation militaire le 15 octobre 1937, il avait reçu la médaille militaire par décret du 30 mars 1935, paru au J.O. du 24 avril 1935. Pour lui, la vie de famille peut commencer.
Eugène, quelques années plus tard. On devine une raideur du coude gauche. |
Les aventures du soldat Eugène ne sont pas finies, connaissant quelques péripéties le concernant, ainsi que sa famille, durant la seconde guerre mondiale.
J'arrêterai là mon récit du poilu Theulière. Pour conclure, j'aimerai ajouter que tous les détails que je vous ai dévoilés font suite à des recherches dans l'état civil de Saint-Coutant et aux Archives Départementales d'Angoulême, menés par Michel Juge, du Fil d'Ariane, il y a quelques années (je le remercie vivement pour les photos du dossier militaire). Eugène n'était pas ou peu évoqué dans ma famille, je suis donc parti à peu près sur rien pour construire l'image de mon arrière-grand-père. J'espère pouvoir vous proposez la suite, un jour.
Quant au titre de cet article, il n'est pas anodin et sans rapport avec mon aïeul. Par héritage, j'ai acquis une très jolie montre, lui ayant appartenu. Je me prends à rêver : peut-être e-t-elle connue les tranchées, ou bien non, mais bon... Vous l'avez compris, le titre, c'est l'heure qu'indique cette montre.
Je suis en cours d'écriture d'un article sur mon arrière grand-père Eugène, née également en 1888 :-)
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore trouvé le journal de marche mais c'est en cours.
Ce n'est pas toujours évident quand ils ont fait plusieurs régiments.
Merci pour ce partage...et moi aussi, j'ai la montre d'un arrière grand-père, et de son père avant lui : beau témoignage du passé
Merci pour ce beau témoignage !
RépondreSupprimerSuspens jusqu'à la fin de l'article pour connaître le lien avec le titre ;-). Qu'ils sont sympas ces généalogistes bénévoles tout de même ; j'aimerai bien trouver un jour ce genre d'informations sur mes aïeux.
RépondreSupprimerQuel beau travail de recherches. Lecture passionnante. Merci.
RépondreSupprimerSuperbe ! (comme d'habitude :) )
RépondreSupprimerBravo ! C'est un bel article ;) bien écrit et bien documenté. C'est un vrai plaisir à lire. Merci pour le partage.
RépondreSupprimerJe suis impressionné par la qualité de la documentation. Très beau travail !
RépondreSupprimerJe trouve cet article particulièrement intéressant, par la qualité de sa documentation, et aussi parce l'on est proche du soldat Theulière. Bravo !
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