samedi 21 avril 2012

Je cousine avec Lina Cavalieri : contre-enquête




Une petite légende familiale place Lina Cavalieri parmi mes cousins célèbres.
Qui était-elle ?  Natalina dit Lina Cavalieri est une soprano, née le 25 décembre 1874 à Viterbe (Italie). Débutant dans le vaudeville et chantant dans des cafés-concerts, elle se fait remarquer par ses prestations aux Folies Bergères. Lors d’une tournée en Russie, elle rencontre et épouse le prince Bariatinsky, qui la convainc de se produire sur les scènes lyriques. Elle débute à l’opéra dans La Bohème (rôle de Mimi), puis chante à Paris et au Met dans l’opéra de Giordano, Fedora avec comme partenaire Enrico Caruso. Divorcée, elle épouse, en 1908, le millionnaire Robert Winthrop Chanler, mais ils se séparent au bout d’une semaine. L’évènement fait scandale et est à l’origine de la rupture de son contrat avec le Met.
Entre 1914 et 1921, elle s’essaie au cinéma à Hollywood, sans grand succès. Elle épouse en 1913 le ténor français Lucien Muratore dont elle se séparera en 1919. En 1926, elle fait ses adieux à la scène et ouvre un institut de beauté à Paris. Sa notoriété sera nationale, voire mondiale, et la publicité faite sur son salon de beauté sera universelle.
Elle meurt avec son quatrième mari dans le bombardement de Florence le 8 février 1944.



Valentine Favars :

D'après la légende de ma famille, donc, Lina Cavalieri s’appellerait en réalité Valentine Favars. Fille de Louis Favard et nièce de mon aïeule Mariette Favard, ayant pour frères Paul et Ludovic et pour soeur Marie, elle se serait enfuie à 17 ans de chez elle pour tenter sa chance à Paris.
Rencontrant son prince charmant russe dans la capitale, elle se fait passer pour une orpheline italienne. Valentine Favars disparaît, au profit de la Cavalieri, connue comme l'un des plus belles femmes du monde au début du XXème siècle.
A la base, cette histoire me fascinait. La connaissant depuis que je suis adolescent, cette histoire m'est longtemps restée comme acquise. Après quelques années de pratiques généalogiques, je me suis dit : « Bon, allez ! Faut justifier tout ça ! »


Contre-enquête :



Tout commence par mon aïeule Marie Favard, dite Mariette. Ses parents, Jean-Louis Favard (1813-1861) et Louise Barbier (1816-?), se sont mariés le 16 avril 1839 à Persac (Vienne). D'après le raisonnement familial, l'un de leur fils serait le père de la Cavalieri. Je leur ai donc trouvé les enfants suivants :

  1. Jean-Louis, né le 17 mars 1839 à Persac, décédé le 21 février 1841 au même lieu ;
  2. Marie-Louise, née le 10 février 1841 à Persac, décédée célibataire le 26 mai 1885 au même lieu ;
  3. Anne, née le 31 janvier 1843 et décédée le 4 avril 1847 à Persac ;
  4. Julie Victorine, née le 5 juillet 1845 à Persac, qui épouse au même lieu Jacques Chéri Jolly, le 6 novembre 1861. Je leur trouve au moins 4 enfants : Louis Victor (né en 1861), Pauline (née en 1864), Marie Élisabeth (née en 1868) et Edmond (né vers 1879) ;
  5. Marie, dite Mariette, mon aïeule, née le 17 mai 1849 à Persac et décédée le 8 février 1933 à Saint-Martin-l'Ars (Vienne). Elle fut l'épouse d'Hyppolite-Jean Guyonnet (1840-1917), épousé le 4 mars 1867 à Persac. Ce sont leurs enfants qui constituent le point de base de la Cousinade Guyonnet, à laquelle j'appartiens ;
  6. Louis, né le 3 mai et décédé le 19 juin 1851, à Persac ;
  7. un autre Louis, né le 13 juin 1852 à Persac et décédé le 9 mars 1931 au même lieu ;
  8. et enfin Augustin, né le 2 novembre 1855 à Persac et mort au même lieu le 5 novembre 1884.

En conservant l'idée de principe de la famille, le Louis Favard, né en 1852, paraissait être le meilleur candidat pour être le père de la Cavalieri. C'est donc sur lui que j'ai reporté mes recherches. Les registres d'état civil, disponibles sur internet, m'ont grandement aidé par la suite...
Nous retrouvons Louis Favard, épousant le 13 janvier 1878, toujours à Persac, Marie-Augustine Jalladeau, née en 1857. Je leur trouve quatre enfants, tous nés à Persac :
  • Pauline Augustine, née le 28 novembre 1878. Son acte de naissance mentionne en marge son décès à Paris, 12ème arrondissement, le 6 février 1961 ;
  • Louis Auguste Chéri, né le 26 août 1880, mort à Mâcon le 20 août 1902, alors qu'il sert comme soldat au 134ème Régiment d'Infanterie, dans la 5ème compagnie ;
  • Marie Joséphine Élisabeth, née le 28 mai 1882 et décédée le 14 avril 1963 à Usson-du-Poitou. De par la mention en marge, on sait qu'elle épouse Eugène Auger le 7 octobre 1935 dans ce même village d'Usson ;
  • et enfin Paul Marie, né le 3 décembre 1884 et mort le 28 octobre 1959 à Argenteuil. Il s'est marié deux fois : avec Marie-Louise Thérèse Barra le 21 avril 1908, à Persac, puis avec Marie Mathilde Louise Dondin, le 31 juillet 1920 à Paris, 4ème arrondissement.

A partir de là, je me suis aperçu que j'avais presque la réponse à ce que je connaissais de Valentine Favard : un frère Paul et une soeur Marie. Il ne me manquait plus que le frère Ludovic, que je trouvais en me rendant directement à la mairie de Persac : né Raymond Ludovic Favars, sur la commune de Coupvray (Seine-et-Marne) et mort à la Grande Guerre le 16 juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast (inscrit par transcription d'acte en mairie de Persac).
Du coup, la première fille du couple, Pauline Augustine, devenait pour moi celle que l'on prenait pour la Cavalieri. Un coup d'oeil aux registres de recensement me confirma un certain détail, à savoir qu'on nommait cette fille aînée "Valentine" dans la vie de tous les jours :

Détail du recensement 1886 à Persac (Vienne)
On notera l'absence de la famille aux recensements de 1891 et de 1896 (déplacement probable du foyer en Seine-et-Marne), puis en 1901, on la retrouve de nouveau, diminuée de quelques-uns de ces membres :

Détail du recensement 1901 à Persac (Vienne)
J'avais pris l'habitude, lorsque j'avais un décès sur Paris en marge d'un acte de naissance, de commander un extrait sur le site en ligne de la ville de Paris. L'acte de décès de Pauline Augustine Favars me parvint peu de temps après. Pour moi, il était éloquent :


J'étais à même de reconstruire de manière sensée les évènements : Marie Jalladeau, la mère, décède probablement en Seine-et-Marne. Pauline, adolescente, s'enfuit du foyer familial pour tenter sa chance sur Paris, et rencontre/épouse un riche homme d'affaire russe, Constantin de Racouza-Soustchevki. Je n'ai pas trouvé beaucoup d'éléments sur ce monsieur, qui a été un haut responsable dans la compagnie des Frères Schneider, entreprise de métallurgie basée au Creusot (Saône-et-Loire). Je note au passage que Louis Auguste Chéri Favars est mort à Mâcon, préfecture de la Saône-et-Loire.
Cette contre-enquête m'amena à ce point. L'existence des deux mariages, Lina Cavalieri et le prince Bariatinsky, Valentine Favars et de Racouza-Soustchevki, sans doute contemporains, amena probablement la confusion entre les deux femmes.

Extrait du Petit Parisien, 24 avril 1929
Sources :
  • Fiche de Lina Cavalieri sur Wikipedia,
  • Articles du Petit Parisien, 1929 & 1930,
  • Archives départementales de la Vienne en ligne.


6 commentaires:

  1. Magnifique histoire de famille, merci pour le partage. ;-)

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  2. Moi aussi j'avais eu vent de cette "cousine" par des papiers fournis par mon grand-père concernant la cousinade Guyonnet-Favard (celle de 1993). Je dois dire que cette affaire me semblais bizarre.
    Merci d'éclairer la page d'ombre de la famille en trouvant la vérité ;-)

    pveronique1 (geneanet)

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    1. Bonjour, Véronique (je suis un arrière-petit-fils de Marie Guyonnet, fille d'Auguste et de Françoise Lochon). L'enquête est toujours en cours. Valentine a comme Lina Cavalieri épousé un prince russe et a tenu un salon de beauté. Amitié cousine.

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  3. Bonjour, je suis un cousin de Racouza-Soustchevki. Il a ete de parrain de mon grand pere. J'ai i une croix d'or, que mon grand-père a reçu de lui pour le baptême. Souvenir. Racouza-Soustchevki ne etait pas les Russe. Il était un Polonais. L'orthographe originale de son nom est Rakusa-Suszczewski. Comme mon.

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Il a également rencontré Mathilde Kschessinska, qui décrit brièvement dans ses mémoires.J e crois qu'il aimait les femmes associées à la scène. JRS

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