samedi 21 décembre 2013

Mon bilan de l'année 2013

Suite au bulletin du Généathème de ce mois proposé par Sophie Boudarel, je joue le jeu du bilan de cette année écoulée.

Le début de l'année 2013 coïncidait comme par hasard avec la fin de l'année 2012. Cette année-là avait fini sur les chapeaux de roue, avec la causerie sur la noyade de Réfoux, magistralement mis en scène par Alain devant l'assemblée des Amis du Pays Civraisien, avec la participation de Gloria et un peu de moi-même aussi :



Extrait de La Nouvelle République

A cette occasion, l'affaire Buchey devait sortir, mais ça valait bien une conférence à elle toute seule. C'est reporter à plus tard.


Le premier anniversaire de mon blog arriva, avec l'annonce d'un challenge pour le mois d'avril. Pari difficile, surtout pour les X, Y et Z. L'occasion de rencontrer d'autres curieux, d'autres chercheurs, pour se dire, finalement : Non, vous n'êtes pas les seuls sur cette planète !


Mois de mai fleuri, création du site Noms du Poitou, dans la forme que je voulais lui donner : une vision de la généalogie, des gens qui ont fait le Poitou, plus particulièrement le sud de la Vienne. A terme, j'aimerais traiter tous mes ancêtres, noyés dans une profusion de lignées familiales — 96 articles publiés, autant en attente de l'être.

La rencontre de Juillet. Rendez-vous annulé chez la sorcière du Poitou, même si votre serviteur ignorait l'annulation et s'y est donc rendu. Première séance improvisée chez Lulu, première des ateliers généalogiques, fort éducatif et fortifiant. Échanges sur Availles, le Poitou, Cora, la vie quoi !

Suite à ça, création immédiate et instantanée du blog consacré à Savigné, ma commune d'adoption, ma commune préférée, le petit village perdu au bord de la Charente, berceau des ancêtres, en vrac, de François Hollande (Broussard), de de Lattre de Tassigny (Minot), de Chandernagor, père et fille, etc. — 42 articles publiés, autant en attente de l'être.


Opération les ateliers généalogiques 2 le retour, Fred est indisponible, rencontre avec Valérie, et mes remerciements toujours pour Gloria. Points communs : blog et blog de villages, une façon d'étudier l'histoire.


2013, c'est l'année des contacts. Je tiens à remercier toutes ces personnes, qui, découvrant mes recherches, me contactent pour poursuivre leurs propres recherches : Louis de Crozé, sur la famille CROZÉ, dont je tiens à poursuivre la branche, Bertrand Savatier, sur les MACHET de la Martinière (à qui je dois, je suppose, la référence à mon site sur la page Wikipedia de Dominique de la Martinière, trouvée inopinément), Christine Fièvre sur les CACAULT de la Cotterie, et bien d'autres. À tous, merci !


Alors, tout doucement, arrive la fin de l'année 2013, et retour sur l'affaire qui m'a passionné, passionne toujours, et qui ne demande qu'à se compléter, je veux parler de l'Affaire Buchey, et je vous prie d'excuser cet anaplodiplose, puisque le 11 décembre, passage devant l'assemblée des Amis du Pays Civraisien, et je remercie particulièrement Alain, conteur qui m'a cédé sa place, Mlle Rougier, présidente de l'association, et tous les membres, et à ceux qui sont venus écouter cette petite histoire.
Un merci à M. Pierre, pour la publicité accordée à mes recherches, et ses éléments sur l'affaire Clément !


Extrait du Journal de Civray, jeudi 19 décembre 2013 (Merci Marité)
Dommage pour la petite erreur sur le nom —
la presse est arrivé en retard et n'a pas assisté au prologue d'Alain,
qui expliquait pourquoi il me laissait chaleureusement la place sur la conférence

Cependant, 2013, c'est également l'année des désillusions : copillage, surtout, sans référence (de LA DUGUIECROZÉ, de LOSSE, de VENASSIER, LEVIEIL, etc...), et pis un peu les erreurs de la presse (cf ci-dessus, etc...).

Un remerciement en particulier à tous ceux et celles qui viennent ici, merci à ceux qui laissent quelques messages, merci aussi à ceux qui ne font que passer. Et veuillez me pardonner pour ceux que j'oublie !

2014. D'accord, on verra pour la suite. Plus d'idée, plein de projet... J'espère qu'au cours de l'année prochaine, la presse saura dire mon nom !



Joyeuses fêtes et bonne année !

samedi 9 novembre 2013

6 heures 10 minutes et 32 secondes

Le soldat Theulière

Mon arrière grand-père, Eugène Theulière, naquit le 22 novembre 1888 à Saint-Coutant, en Charente. Son père, Martial, originaire de cette même commune, un grand gaillard cultivateur de 50 ans, avait épousé, douze ans plus tôt, Mariette Vergnaud, de 21 ans sa cadette, venue de Saint-Claud.

Je ne connais pas grand chose sur son enfance et son jeune âge. Leur milieu social modeste, le temps déjà ancien, a effacé ces premières années au village de Fontcreuse, petit village perdu dans les bois, tout près du lieu où la Charente et la Vienne faillirent s'unir pour toujours pour changer à jamais la configuration de ce beau pays.


Eugène fut inscrit sur la liste de Champagne-Mouton sous le n°50, classe 1909. Son signalement nous permet de le connaître un peu mieux :
  • cheveux et sourcils châtains,
  • yeux gris, front ordinaire,
  • nez moyen, bouche moyenne,
  • taille : 1 m 58.

Est-ce une photo
d'Eugène ? Ma grand-mère
n'en était pas sûre

Il est précisé qu'il possédait un degré d'instruction générale de 3.


Le soldat Theulière était prêt. Appelé à l'activité le 7 octobre 1909, il arriva au corps le même jour, au 107e régiment d'infanterie, en garnison à Angoulême. Entré comme soldat de 2ème classe, il passa caporal le 25 septembre 1910, on lui accorda un certificat de bonne conduite et il fut renvoyé dans la disponibilité le 24 septembre 1911. Il fut rattaché au régiment d'infanterie d'Angoulême, et s'installa à Puyréaux, tout près de Mansle. A ce jour, j'ignore pourquoi.





Et puis, ce fameux 3 août...



Extrait du Petit Parisien, 3 août 1914

Le soldat Theulière, parmi tant d'autres, fut mobilisé et arriva au corps le même jour. Bruno Rivet, ce jour, me donna une idée de ce qu'il fit (merci), puis part
i aux armées le 6 août 1914.

Il 
 fut nommé sergent le 27 avril 1915, passa au 107e Régiment d'Infanterie le 27 mai 1915,  puis au 10e Bataillon de Chasseurs à Pied le lendemain.

Trois semaines plus tard, d'après le J.M.O., du 16 au 20 juin 1915, le 10e BCP opéra "dans le Bois Carré, vers le boyau d'Angres et sur le chemin creux". Eugène fut évacué blessé le 19 juin 1915, suite à une "plaie au coude gauche, avec fracture, par balle". Un commentaire du 20 novembre 1915 évoqua un "très bon sous-officier, courageux et énergique. Il s'est particulièrement distingué pendant les combats du 16, 17, 18 et 19 juin 1915".


Il retourna aux armées le 26 septembre 1916.


Le 3 juin 1918, le bataillon se situait dans les plateaux entre Vaux et Pernant. Sous les bombardements ennemis, la troupe devait traverser un vrai billard. Nombreux furent ceux qui tombèrent et furent laissés à leur sort, mentionnés "disparus" dans le J.M.O. On ignorait alors s'ils avaient été tué, blessés ou prisonnier. Le soldat Theulière fut du nombre. Après avoir été blessé à la tête par un schrapnel, il fut fait prisonnier.


J'ignore totalement ce qui se passa pour lui ensuite. De cette période, je ne possède qu'un seul écrit :


Il fut rapatrié le 12 décembre 1918 et on lui donna permission au dépôt le 14 janvier 1919. La suite fut une succession de commissions, suite aux blessures de ses combats :
  • Classé Service Auxiliaire, il fit monté un dossier à constituer par le Commission de Réforme d'Angoulême du 6 mai 1919 pour "fracture par balle du bras gauche, 1/3 inférieure, avec gêne fonctionnelle notable".
  • maintenu Service Auxiliaire et pensionné temporaire à 15% par la Commission de Réforme de Limoges du 2 septembre 1919 pour "fracture ancienne de l'extrémité inférieure de l'humérus gauche avec limitation à 75° des mouvements de flexion, mouvements de supination limités. Brèche osseuse du vertex avec cicatrice à fond dure. Céphalées après la fatigue". par la suite, il fut envoyé en congé illimité le 4 septembre 1919.
  • maintenu Service Auxiliaire proposé pension temporaire 15% par la Commission de Réforme de Limoges du 12 mai 1922 pour "1° fracture ancienne de l'extrémité inférieure de l'humérus gauche avec limitation de 75° des mouvements de flexion. Limitation de la supination, diminution de la force musculaire. 2°) légère brèche osseuse du vertex, cicatrice à fond dure non pulsalile ni impulsive, se plainte de céphalées et de vertiges".
  • maintenu service auxiliaire proposé pour une pension définitive (article 7) avec évaluation de l'invalidité à quinze pour cents décision de la Commission de Réforme de Limoges du 3 mai 1923 pour "1° raideur du coude gauche limitant à 75° les mouvements de flexion gênant les mouvements d'extension complète et de supination, légère amyotrophie. 2° légère brèche osseuse intéressant la table externe".
Le bilan de son dossier militaire précise que ses campagnes concernent uniquement celle contre l'Allemagne, du 3 août 1914 au 3 septembre 1919.

Classé "sans affectation" le 1er août 1927 et dégagé de toute obligation militaire le 15 octobre 1937, il avait reçu la médaille militaire par décret du 30 mars 1935, paru au J.O. du 24 avril 1935. Pour lui, la vie de famille peut commencer.

Eugène, quelques années plus tard.
On devine une raideur du coude gauche.

Les aventures du soldat Eugène ne sont pas finies, connaissant quelques péripéties le concernant, ainsi que sa famille, durant la seconde guerre mondiale.

J'arrêterai là mon récit du poilu Theulière. Pour conclure, j'aimerai ajouter que tous les détails que je vous ai dévoilés font suite à des recherches dans l'état civil de Saint-Coutant et aux Archives Départementales d'Angoulême, menés par Michel Juge, du Fil d'Ariane, il y a quelques années (je le remercie vivement pour les photos du dossier militaire). Eugène n'était pas ou peu évoqué dans ma famille, je suis donc parti à peu près sur rien pour construire l'image de mon arrière-grand-père. J'espère pouvoir vous proposez la suite, un jour.

Quant au titre de cet article, il n'est pas anodin et sans rapport avec mon aïeul. Par héritage, j'ai acquis une très jolie montre, lui ayant appartenu. Je me prends à rêver : peut-être e-t-elle connue les tranchées, ou bien non, mais bon... Vous l'avez compris, le titre, c'est l'heure qu'indique cette montre.


dimanche 13 octobre 2013

Le meurtre de Brux (1906)

Le crime

C'était la nuit du 5 au 6 mars 1906, nous étions à Brux, dans une maison bourgeoise du bourg de la commune.
La vieille dame Gaschet, un peu sourde, fut violemment frappée, s'éveilla et crut que son mari, dormant à ses côtés, était devenu subitement frappé de folie.
— Es-tu fou, Gaschet ? s'écria-t-elle.
Dans le pénombre, elle ne distinguait aucun mouvement, et son mari ne répondait pas. Prise de panique, elle appela au secours, et sa belle-fille, qui dormait dans une chambre à l'étage supérieur, descendit rapidement. A la lumière d'une lampe, la femme, horrifiée, ne cacha sa surprise lorsqu'elle aperçut le visage ensanglanté de son beau-père, qui gisait immobile dans le lit. A son tour, elle crut que sa belle-mère avait été prise d'un accès de folie !

On réveilla un voisin qui se rendit à Couhé, d'où on ramena le docteur Tabakian.

A son arrivée, on s'aperçut que la serrure de la porte avait été détachée à l'aide d'un ciseau de menuisier, et on se persuada à ce moment-là qu'il s'agissait en fait d'une tentative de meurtre !

Les blessures de M. Gaschet étaient horribles : chacune d'entre elles avaient 4 cm de largeur, et n'avaient épargné ni le visage ni le reste du corps : le visage, le cou, l'épaule gauche et la poitrine étaient couverts d'énormes plaies et il perdait du sang par la bouche. Les premiers examens indiquèrent qu'il avait la mâchoire fracturée en deux endroits, plusieurs côtes avaient été brisées, et l'un des fragments avait atteint la plèvre et avait peforé le poumon, entraînant une hémorragie interne et une pneumonie traumachique.

Il devint évident qu'un malfaiteur s'était introduit dans la maison à la faveur de l'obscurité. Il devait bien connaître les lieux, pénétrant dans la chambre des maîtres de maison, dans l'intention sans aucun doute de fouiller les tiroirs où les époux Gaschet avaient l'habitude de caché l'argent destiné aux dépenses courantes. On pouvait même espérer y trouver une somme importante reçue par Gaschet à la foire de Couhé, le 21 février précédent.

A priori dérangé dans son ouvrage, le malfaiteur s'était approché du lit des époux Gaschet, et, pour ne pas être reconnu, les avait frappé avec une violence inouïe avec une arme inconnue, probablement une masse.

La blessure reçue par Mme Gaschet, sur le dos de sa mai gauche, avait laissé une trace caractéristique, comme une empreinte d'un instrument métallique, ni tranchant, ni pointu, telle laissée par une masse ou un marteau. 


Gaschet, lui, ne devait survivre que deux jours, mourant le 8 suivant.


Les époux Gaschet étaient deux vieillards appréciés dans le bourg de Brux. Il y vivaient seuls, avec une jeune domestique de 16 ans, et leurs enfants, qui demeuraient loin, venaient bien les voir, mais accidentellement. Ils étaient charitables et n'avaient aucun ennemi. Leur situation de fortune venaient de la vente de leurs récoltes — ils étaient agriculteurs.


L'enquête


L'état des lieux avait révélé que l'assassin, venant à travers champs, avait pénétré dans le jardin qui surplombait la maison, par un mur à moitié éboulé. Un carreau d'une fenêtre, placé de côté, avait été enlevé, et l'auteur du crime, passant la main à travers l'ouverture, avait fait joué l'espagnolette et été entré dans une chambre inhabitée. La porte de cette pièce était fermée à clé, il alluma une bougie, qu'il plaça dans le clivage d'une chaise, et entreprit de pratiquer des trous autour de la serrure, à l'aide d'une tarière. En coupant les intervalles entre les trous à l'aide d'un ciseau à bois ou d'un couteau, il parvint à détacher la serrure fermée et ouvrit la porte. Il laissait, néanmoins, des gouttes de cire à même le sol et sur ses instruments.


Il se dirigea sans bruit ni heurt à travers les pièces encombrées de meubles, ce qui témoignait d'une connaissance préalable des lieux. Arrivé dans la chambre des hôtes de la maison, il les frappa dans les circonstances que l'on sut, pour ne point être dérangé dans sa fouille. Mais les cris de Mme Gaschet interrompirent son méfait.


Les soupçons se portèrent assez rapidement sur un des anciens journaliers de M. Gaschet : François Ernest Didier, homme robuste, connu pour son caractère sournois et brutal, besogneux, privé de toute considération dans le pays et d'une réputation de maraudeur et de voleur, qui habita Brux pendant 7 ans, avant de s'installer à Vaux quelques mois plus tôt.


Interrogé sur son emploi du temps, Didier prétendit avoir quitté son chantier de la Bonvent, le lundi au soir, où il cassait des cailloux, pour se rendre à Brux, puis au village de la Garde où l'appelaient ses affaires. Il était rentré chez lui, à Vaunoir, situé à plus de 7 km, vers 11 heures du soir et s'était couché dans son lit, où dormait déjà son épouse. Le lendemain matin, il devait se lever à 5 h 30 pour se rendre de nouveau à la Bonvent. Toutefois, sa femme, interrogée par la justice, déclara que son mari non seulement avait découché cette fameuse nuit, et qu'elle ne le revit que le mercredi soir. Confronté à ses contradictions, l'homme reconnut que pour ne pas déranger sa femme, il s'était contenté de coucher dans le foin, dans une dépendance de sa maison. Malheureusement pour lui, les gendarmes découvrirent que le foin n'avait pas été foulé et qu'aucun signe de couchage récent ne fut constaté.


Mais ce fut une autre charge qui confondu le coupable. En fait, le mardi matin 6 mars, vers 8 heures et demie, il travaillait à son chantier de la Bonvent, lorsqu'il fut rejoint par le sieur Guillaumet, entrepreneur de travaux, qui l'employait à l'extraction et au cassage de cailloux. Là, le suspect avait fait un récit détaillé de l'attaque de la veille, en indiquant dans le détail que le malfaiteur avait pénétré par une porte de derrière. Or, à cette heure-ci, Didier n'avait pu rencontré quelqu'un au courant des faits. Didier nia avoir rencontré Guillaumet le matin, mais plutôt l'après-midi, lorsque la nouvelle de l'agression des Gaschet s'était répandue dans la campagne. Didier disait l'avoir appris du sieur Braud, mais ni le sieur Braud, ni le sieur Guillaumet, ne donnèrent raison au suspect.


Suite à son arrestation le 8, jour du décès de la victime, son domicile fut perquisitionné le 11 mars. Les gendarmes y trouvèrent, non sans mal, une tarière (portant les inscriptions "Cholet" et "11 lignes"), dont l'accusé reconnut en être le propriétaire. Des taches récentes de bougie étaient apparentes, identiques à celles trouvées à même le sol dans la maison des Gaschet.

Il fallut une étude mené par deux experts, qui reconnurent que cette tarière avait bien été celle utilisée lors du méfait. Elle présentait, en effet, des ébréchures sur l'un de ses couteaux, dont la forme et les dimensions étaient caractéristiques.

Enfin, on s'alarma sur le fait que Didier, de par son métier, avait l'habitude de se servir d'une masse pour casser le cailloux. Hors, c'était bien avec ce type d'objet que les blessures avaient été faites aux époux Gaschet. Lors du procès, on rapprocha l'un de ses masses, trouvées à son domicile, de la main de Mme Gaschet, et on constata, bien qu'il ne s'agissait pas d'une charge accablante, que la masse et la blessure correspondaient.


Dès le premier jour du crime, on avait été frappé par l'attitude du sieur Didier. Il s'était trouvé à la foire de Couhé, le jour où Gaschet avait reçu publiquement une forte somme d'argent. Il se mit à parler de détails du méfait, qu'il n'était pas censé connaître, discutant avec des gens dont il n'était pas particulièrement proche ou apprécié, s'inquiétant même, par exemple, de savoir si on avait trouvé des traces de pas sur la gelée du jardin.


Malgré ces lourdes charges, Didier nia être l'auteur de ce crime. Marié et père de famille, même s'il avait la réputation d'un homme violent et brutal, était un ouvrier laborieux. Toutefois, mésestimé, on lui reprochait d'être l'auteur de nombreux vols dans la région, d'après le maire de Vaux, dont il habitait la commune depuis septembre 1905.


Le procès


Le procès s'ouvrit le 21 novembre au tribunal de la cour d'Assises de Poitiers, présidé par M. Masquerier, conseiller à la Cour, assisté de MM. Chateignier et Pallu. L'accusation fut portée par l'avocat général Marquet, tandis que le défense était assuré par Me Georgel.


54 témoins furent cités à comparaître durant celui-ci, tant du côté de la défense, principalement des témoins de moralité :

  • MM. Dastre fils, camionnier à Chez-Coudret de Brux et Alexandre Guillet, cantonnier à Massé de Chaunay, ne connaissaient pas très bien l'accusé ;
  • M. Henri Giraud, charron, rue Champagne, à Poitiers,
  • MM. Gabriel Beau, propriétaire à la Garde de Brux, Dury, journalier au même lieu, Victor Leblanc, propriétaire à Brux, Alexandre Dubois, chef cantonnier sur la ligne d'Orléans, à Poitiers, Joseph Allain, rentier à Vaux, Maximin Vincent, cultivateur à  la Tonnelle de Vaux, Célestin Nicouleaux, cultivateur à Guéfait de Vaux, Pasquinet, marchand de bois à Pannière de Chaunay, Louis Gobain, propriétaire cultivateur à la Garaudière de Vaux, Alexis Chartier, instituteur à la Trimouille, puis directeur d'école à Montmorillon, Auvin, propriétaire aux Renardières de Rom, Jean Guichard, marchand de bois, à Lépinier de Vaux, furent essentiellement appelés à la barre pour déclarer n'avoir « rien à reprocher à l'accusé » ;
que celui de l'accusation :
  • M. Théophile Roy, maréchal des logis de gendarmerie à Couhé, fut celui qui fut informé du méfait et qui conduisit l'enquête ;
  • MM. Ferdinand Fouet et Jean Pedron, gendarmes à Couhé, furent chargés d'interroger Didier. Il auditionna notamment la femme Didier, qui, après lui avoir menti pour couvrir son mari, revint sur ses déclarations. Ils saisirent au domicile de Didier une tarière portant des traces de bougie sur la poignée et des traces rouges sur le pas de vis ;
  • docteur Tabakian, à Couhé, fut appelé aurpsè des blessés auxquels il donna les premiers soins ;
  • docteur Périvier, à Civray, procéda aux constations médico-légales et à l'autopsie de Gaschet ;
  • Mme Rosalie Mironneau, veuve Gaschet, rentière à Sommières-du-Clain, bien que convoquée, ne put se présenter au tribunal, au prétexte que son état de santé ne lui permettait pas ;
  • Augustine Foucher, domestique à Sommières, chez M. Lucquiaud, gendre de Mme Gaschet, était lors du crime la domestique du couple Gaschet. Le 9 décembre 1905, vers 9 heures du soir, cette jeune fille avait aperçu un homme dissimulé dans le jardin de ses maîtres, qui s'était enfui à son appel. Les époux Gaschet, ayant pris peur, avait fait fermer les fenêtres donnant sur ce jardin. C'est également elle qui avait constaté l'absence d'un carreau à l'une des fenêtres, dix jours avant le crime ;
  • M. Aristide Masson, maréchal à Brux,
  • MM. Léger Maurice, professeur à l'école de médecine de Poitiers, René Belaud, charron à Civray, Louis Chagnaud, serrurier à Civray, Ernest Sauroy, mensuisier, 10 boulevard Solférino à Poitiers, et Vignaud, serrurier, rue de la Cathédrale, à Poitiers, furent les experts en charge de caractériser la fameuse tarière découverte chez Didier. Ils se confrontèrent au procès, n'arrivant pas à faire l’unanimité entre eux. La polémique vint de M. Sauroy, qui, aux Assises, devant les jurés, déclara qu'il ne s'agissait pas de la tarière qu'on lui avait confié précédemment à son examen, le 2 août. Vignaud et Chagnaud, n'hésitèrent pas le contredire et Sauroy, la mine désolé, finit par avouer s'être trompé. On arriva enfin à la conclusion que la tarière de Didier, présenté devant les jurés, était "presque"certainement celle qui a servi à faire les trous dans la porte des Gaschet, mais cet incident faisait le beurre de la défense ;
  • M. Charles Mulard, négociant en tissus à Civray, avait constaté que les rideaux des Gaschet avaient été déchirés, et non coupés, certainement par l'accusé lorsqu'il fut surpris par le réveil de la dame Gaschet ; 
  • M. Auguste Vétault, cultivateur à Brux, avait rencontré Didier la veille du crime, qui lui avait indiqué qu'il allait coucher à la Garde ;
  • selon Pierre Desouches, sans profession, de Brux, Didier devait ignorer la présence de la bru des Gaschet le soir du crime ;
  • à Mme Marie Rocher, veuve Desouches, de Brux, Didier avait demandé des nouvelles des Gaschet, la veille du crime ;
  • Mme veuve Petit, épicière à la Garde de Brux, eu la visite de Didier le 5 mars au soir, vers 7 heures. Il portait des sabots, et malgré une invitation de l'hôtesse, il préféra dîner, dit-il, chez son beau-père au Peux. Finalement, il se ravisa et, comme il était tard, il lui dit qu'il irait plutôt chez lui, à Vaunoir ;
  • Mme Marie-Clémentine Lamy, femme Didier, sans profession, à Vaux, épouse de l'accusé ;
  • Mme veuve Foucher, sans profession, à la Vaunoir de Vaux, voisine de l'accusé, ne l'a point entendu rentrer le soi du crime ;
  • Mme Hérault, rentière et ménagère au même lieu ;
  • M. Alphonse Guillon, domestique à la Martinière de Rom, avait rencontré l'accusé le matin du crime. Celui-ci lui avait dit qu'une bande de "gens sans aveu" parcourait le pays ;
  • M. Pierre Cartais, propriétaire  cultivateur au Roty de Brux ;
  • M. Chéri Guillaumet, entrepreneur à Chaunay, était l'employeur de l'accusé ;
  • M. Louis Braud, domestique à Brux, 26 ans, apprit, dit-il, le crime de la bouche de Didier dès le matin même, ce que nia l'accusé ;
  • M. Auguste Morisson, domestique à la Raffinière de Brux, avait vu Didier venant dans la direction de la Vaunoir, le 7 mars vers 6 heures et demi du matin ;
  • M. François Beau, cultivateur au Roty de Brux, confirma les déclarations du précédent témoin — « Ce n'est pas vrai » dit Didier ;
  • M. Léon Vétaux, cantonnier au Peux de Brux, rencontra l'accusé vers 7 heures un quart entre le Peux et Brux, et Didier lui avait demandé des nouvelles des Gaschet ;
  • M. Philibert Gaschet, receveur de l'enregistrement à Thouars, fils des victimes, déclara au procès : « Quand j'arrivai, la rumeur publique indiquait Didier comme l'auteur du crime. Mon père était très bon pour lui. Didier vint le 7 mars au main, voir mon père avant sa mort. Il resta environ à deux mètres de distance, alors que les autres venaient serra la main du mourant. En regardant la déchirure du lit, l'accusé fit remarque que l'assassin devait être très grand. Je l'ai examiné très attentivement tet lui ai trouvé  une attitude très embarrassé ». Son épouse quant à elle, Marie-Justine Desouches, se trouvait chez ses beaux-parents le soir du crime ;
  • M. Delphin Gaschet, propriétaire à Neuville-de-Poitou, autre fils des victimes, confirma les déclarations de son frère ;
  • Mme Berthe Gaschet, épouse Lucquiaud, à Sommières, fille des victimes, constata également la distance qu'avait pris Didier lorsque celui-ci était venu son ancien employé mourant, alors que tous les autres visiteurs l'approchaient ;
  • M. Pierre Rogeon, fermier à Estivault de Romagne, était avec Didier lorsque celui-ci rendit visite au mourant. Didier, semblait-il, était plus intéressé aux traces laissées par le malfaiteur, que par la victime elle-même ;
  • M. Aristide Baritaut, maréchal à Brux, fut témoin de l'échange entre Didier et Pierre Motillon, qui avait accusé ce dernier d'être l'auteur du crime ;
  • M. Pierre Motillon, cultivateur à Brux, avait interpellé Didier le lendemain du crime, et lui aurait dit ! « Est-ce toi qui as tué M. Gaschet ? — Non, lui avait répondu Didier, car je l'aimais trop pour cela » ;
  • Mme Louise Alligné, femme Bonnin, à Brux, s'entretenait du crime avec Didier, et celui-ci lui aurait déclaré que « les coups ont dû être portés avec un marteau ou une masse » et que « celui qui a frappé Gaschet devait être grand parce que les rideaux ont été déchirés près du ciel ». Didier confirma peu ou prou ses paroles, et déclara qu'il avait lui même mesuré, en levant la main, la hauteur de la déchirure, en rendant visite au mourant. Delphin Gaschet, rappelé à la barre, nia que Didier avait approché d'aussi près le rideau et le lit du mourant qui se trouvait à côté ;
  • M. Pierre Millet, cultivateur à la Pérauche de Brux, était avec Didier, le 10 mars, et ils discutaient ensemble du crime. Didier, pour lui expliquer, lui fit un plan de la disposition sur le sol, avec son couteau — « C'est faux ! » dit Didier, mais le témoin était formel. Didier aurait ajouté que « si j'avais voulu voler Gaschet, je l'aurais pu vingt fois... Je connais la maison très bien. Je sais où Gaschet met son argent... D'ailleurs, il avait très peu d'argent chez lui, je l'ai vu l'autre jour sortir de la poste avec son livret de caisse d'épargne à la main » — « Le témoin ment » indiqua Didier. Pourtant, le témoin n'en démord pas. De plus, c'est par Didier que Millet apprit l'existence d'un carreau manquant à l'une des fenêtres, ainsi que l'utilisation d'une tarière pour forer la porte autour de la serrure, ce que Didier n'aurait certainement pas dû savoir. Enfin, Millet avait également remarqué, le 10 mars, que Didier était blessé à la main gauche, ce que l'accusé reconnut, toutefois, affirma-t-il, cette blessure était due à un éclat de pierre ;
  • M. Jean Toulat, propriétaire aux Bernards de Couché, affirma que lui appartenait un coup-foin que Didier prétendait avoir découvert sur la route. Le témoin affirma pourtant qu'il lui avait été pris chez lui. Me Georgel, à ce stade du procès, s'irrita contre le témoin. Il accuse l'accusation de faire venir à la barre des témoins qui déposaient à l'occasion de vols dont l'accusé n'avait pas à répondre, n'étant pas l'objet du procès. Ce témoin, répliqua le président, était un témoin de moralité, qui ne devait témoigner que de moralité de Didier ;
  • M. Alexandre Vétaux, propriétaire au Grand-Vion de Brux, autre témoin de moralité, n'était là que pour imputer un autre vol à l'accusé : une scie, que Didier affirmait avoir acheté à Couhé ;
Nous en étions alors au deuxième jour du procès. Ce 22 novembre, en deuxième séance, l'audience ouvrit à 1 heure et demie. Le prétoire fut littéralement envahi, les sentinelles débordées, et on se croyait revenu aux jours de l'affaire Monnier. Didier n'apparaissait pas fier d'avoir attiré une foule pareille au Palais. Complètement abattu, il attendait le verdict.

De nouveau, on entendit les experts qui ne s'étaient pas tous trouvé unanimes au sujet de la tarière, histoire de ne pas laisser de doute, suite à l'incident Sauroy de la veille. Finalement, on réitéra l'annonce : c'était bien la tarière de Didier qui avait causé les perforation dans la porte des Gaschet. Me Georgel était abattu : il avait demandé l'avis d'un expert de la Faculté, ce qui lui avait été refusé. Le président de la cour lui avait indiqué, en guise de réponse, que des experts étaient mieux placés qu'un professeur pour répondre aux interrogations des jurés. — « Je m'incline... » dit Georgel.

Le réquisitoire de Me Marquet fut marqué par une vive émotion. Il avait le devoir de justice social à remplir et il n'était pas l'avocat de la famille Gaschet, dont l'un des membres leur avait été arraché. Il était l'avocat de tous, l'avocat de la vie humaine, l'avocat de la liberté ! Il termina un dur réquisitoire envers Didier, parlant des soupçons contre lui, des propos que l'accusé avait tenu, et des preuves irréfutables l'accablant, et réclama du jury un verdict sévère.

La plaidoirie de Me Georgel fut tout aussi émouvante, parlant d'un homme dont tout accable, ainsi que l'honorabilité d'une victime, dont le ou les assassins restent inconnus. Il tendit à prouver que les charges contre son client restaient flous, tant l'endroit où il passa la nuit du 5 au 6 mars, qu'aux traces laissées sur la tétière de la serrure et des trous constatés sur le chêne de la porte fracturée. Devant les incidents de la veille, il estimait que la tarière de Didier n'avait pas été formellement identifié comme étant celle qui avait servi à l'effraction. Un incident vint marquer la fin de sa plaidoirie. Alors que Georgel donnait lecture à un rapport rédigé par M. Bellot, charron, qui venait contredire la conclusion des experts, le président lui fit observer que, dans sa conclusion, Georgel avait sauté un mot, et ainsi, la phrase qu'il avait lu avait pris le sens contraire de ce qui était écrit. Me Georgel démentit le non-sens de la phrase : peu importait comment on lisait la phrase, ce rapport venait contredire les charges retenues contre son client !
Vexé, le président appela ledit Bellot à la barre, qui avoua avoir donné à sa phrase, par inadvertance, le sens opposé à ce qu'il voulait donner. — « Je suis charron, je vais vous faire des trous... donnez-moi une planche... », histoire d'avouer que toute cette paperasserie le dépassait. On rit dans la salle. L'avocat de la défense se plaignit du président, menaça de quitter l'audience —  « il s'agit de la tête d'un homme, en ce moment, il ne faut pas l'oublier ! ». Son interlocuteur s'inclina, s'excusant et invitant Me Georgel a continué —  « je suis trop respectueux des droits de la défense pour me permettre de vous interrompre, maître, sans utilité réelle... J'aurais pu bien des fois déjà vous faire quelques petits observations, je m'en suis gardé... Mais ici vraiment, il y avait nécessité, me semble-t-il, à signaler une erreur aussi grossière que celle commise par M. Bellot, L'incident est clos, vous avez la parole ». L'avocat reprit. L'accusé, semblait-il dire, l'était tout au plus par sa réputation de maradeur. Or, jamais pourtant le moindre plainte contre lui fut déposé en gendarmerie. C'est pourtant Me Georgel plaida pour l'acquittement, pur et simple.

Le verdict

Après une demie-heure de délibérations, les jurés apportèrent un verdict affirmatif sur les deux questions principales portées contre l'accusé, avec admissions toutefois de circonstances atténuantes. La cour condamna Didier à 20 ans de travaux forcés. Elle le dispensa toutefois de l'interdiction de séjour.

Didier, Gaschet, et moi !

Auguste Gaschet, victime de ce crime, fils de Jean et d'Adélaïde Aimé, naquit le 7 décembre 1829 à Champagné-Saint-Hilaire. Il avait épousé, le 6 octobre 1852, à Brux, Rosalie Eugénie, née le 15 novembre 1834 à Brux, fille de Pierre François et de Marie-Magdeleine Didier. De leur union, étaient nés :
  1. Philbert Lucien Gaschet, né le 22 août 1853 à Brux, et était receveur d'enregistrement des domaines et du timbre à Goderville, en Seine-Maritime, lorsqu'il épousa, le 6 novembre 1888, à la Chapelle-Bâton, Marie-Justine Desouches. Au moment du crime, il exerçait la même profession à Thouars (Deux-Sèvres) ;
  2. Marie-Eugénie Adélaïde, née le 18 mai 1856 à Brux et morte au même lieu le 16 septembre 1858 ;
  3. Auguste Eugène, né le 12 janvier 1860 à Brux et décédé le 21 janvier 1864 au même lieu ;
  4. Marie-Berthe, née le 22 juillet 1862 à Brux, épousa, le 18 octobre 1886, audit lieu, Auguste Lucquiaud, propriétaire à Sommières, fils de Jacques et d'Alexandrine Touron ;
  5. Pierre Hippolyte Delphin, né le 9 septembre 1869 à Brux, était, en 1906, propriétaire à Neuville-de-Poitou, et fut l'époux de Jeanne Marie Angèle Rachel Brault ;
François Ernest Didier, fils de Louis et de Marie Chassard, naquit le 7 décembre 1873 à Vaux. Il épousa, le 24 octobre 1893, à Brux, Marie-Clémentine Lamy. Au moment du crime, il avait donc 33 ans.

Dans l'immense buisson de la vie, il apparaissait peu probable le fait suivant : à savoir, que les deux victimes, Auguste Gaschet, Rosalie Mironneau, leur agresseur François Ernest Didier, et votre serviteur (moi, hein), sommes liés par un grain du destin, disons plutôt par un ancêtre en commun, François Didier, époux de Perrette Mironneau, dont la descendance se répandit autour de la paroisse puis commune de Vaux. Rosalie Mironneau est même descendante plusieurs fois de cet aïeul commun, dont toute l'histoire n'est cependant pas encore écrite. Un exemple (ci-dessous) vous permettra de vous faire une idée :


Impressionnante ironie du destin !



Sources :

  • La Semaine, 11 & 19 mars, 25 novembre 1906 ;
  • Archives départementales de la Vienne ;

dimanche 6 octobre 2013

La Vienne - 1900-1930 - Mémoires d'hier (Gérard Simmat)

Galerie d'images anciennes par Gérard Simmat, ce recueil décrit le début du XXe siècle dans la Vienne. Chaque image est accompagnée d'un texte explicatif.

De nombreux thèmes sont abordés, comme l'agriculture, les commerces, l'artisanat ou l'industrie. On y trouve également les références de nombreuses communes, dont Savigné.

Un parfait ouvrage pour les amoureux de l'ancien temps.

samedi 5 octobre 2013

Marie Pascault, enfin la filiation ?

Il y a quelques temps, je vous parlai d'un couple d'ancêtres, Jean Tribot, sieur de Laspière, et Marie-Anne Gayet. J'ai passé beaucoup de temps, l'année passée, à construire la filiation du sieur Tribot. Un élément, découvert très récemment, pourrait bien me mettre sur la piste de la dame Gayet.

Pour vous situer, la situation, voilà la filiation qui m'emmène à ce couple :


Jean Tribot et Marie-Anne Gayet furent mariés le 8 novembre 1734 à Payroux (Vienne). Je vous replace le mariage ci-dessous pour le remettre en mémoire :

AD en ligne, Payroux,
BMS - 1717-1738, v.70/98
Maître Jean Tribot de la paroisse de Savigny et demoiselle Marie Anne Gayette fille de Antoine Gayette et de Marie Pascaut ont reçu la bénédiction nuptiale par moy soussigné avec la dispense de deux bans cy attachée et le certificat de mr le curé de Savigné. Les dites cérémonies de nostre sainte église catholique apostolique et romaine gardées et observées, le vingt-quatre novembre mil sept cent trente quatre, en présence de Maître Jean Tribot, père de l'épousé et de maître Antoine Gayette, père de l'épousée, et de damoiselle Adrienne Bomier et de Monsieur Jean Bertran, témoins qui se sont soussignés avec nous, excepté maître Antoine Gayette, père de l'épousée, qui a déclaré ne savoir signer.

Concernant la famille de la mariée, extrêmement peu d'actes la concernent, en voici donc le résumé.

Antoine Gayet est mort le 30 octobre 1767, dans la maison de son petit-fils, le sieur Antoine Tribot, armurier, et fut inhumé le lendemain au cimetière de Saint-Antoine de la paroisse Saint-Didier de Poitiers, à l'âge de 90 ans. Il serait donc né, grossièrement, vers 1677. Il était veuf depuis plusieurs années : en effet, Marie Pascault avait été inhumée le 28 mars 1735, à Payroux, à l'âge de 50 ans.

Je leur ai trouvé deux enfants :
  • mon ancêtre, Marie-Anne, fut baptisée le 5 du mois de mars 1715 à Saint-Martin-l'Ars, en présence de messire Pierre de Laville, curé de Saint-Cyr de la Lalande, et Marie-Anne Tizon, faisant pour Marie-Anne de Vivonne, ses parrain et marraine ;
  • Magdeleine, née et baptisée le 25 mai 1719 à Payroux, en présence d'Alexis Bérault, parrain, et de Marie-Anne Suire, marraine ;
Pour conclure, toujours à rebrousse-temps, Antoine Gayet et Marie Pascault se sont mariés le 20 juin 1714, à Payroux. On se trouva en présence de dame Anne de Lambertye, damoiselle Marie-Anne de Vivonne et damoiselle Marie-Anne Tison, Marie Orlut, et autres... On remarque de plus les signatures de Destouche de Péroux et de Jean Ferrée de Péroux...

AD en ligne, Payroux, BMS - 1708-1717, v.44/55

La première fois que je suis tombé sur ce mariage, j'ai fait "Ouah !"... Regarde-moi ce beau monde !

Plusieurs recherches m'ont été nécessaire pour mettre en scène ces personnages tout droits sortis de chez Angélique. Ceux qui m'ont interpellé sont surtout ceux entrant dans les familles de Vivonne et de Lambertye.

Les de Vivonne était d'une très noble et ancienne maison d'origine chevaleresque, qui a pris ou donné son nom à la petite ville de Vivonne, à 4 lieues de Poitiers. Quelques recherches suggèrent qu'elle se détache, vers l'an 1000, de la puissante famille des de Lusignan. Le premier de Vivonne signalé par le Beauchet-Filleau dans la filiation suivi, Hugues, souscrit dans des chartes de 1076. La branche d'Iteuil, détachée du tronc principal au XVe siècle, nous emmène jusqu'au début du XVIIIe siècle, avec les seigneurs de la Brosse. Elle portait ""d'hermines au chef de gueule".

Grâce aux filiations données dans les différents ouvrages, on peut inscrire les témoins de mon mariage mystère dans le schéma suivant (en orange, les témoins) :


Le Beauchet-Filleau nous donne, page 513 du tome 5, 2e édition, quelques éléments concernant Anne de Lambertye, l'aînée de ces trois témoins. Fille de Jean de Lambertye, chevalier, marquis du Bouchet, seigneur de Lartimache, Puidemeau (La Chapelle Montbrandeix, Haute-Vienne), de la Fougeraye (Poiroux, Vienne), de Saint-Martin-l'Ars et de Bon de Corigné (Saint-Martin-l'Ars), et de Marie du Raynier, elle naquit le 22 novembre 1672 et fut baptisée le même jour que sa soeur Marie, le 10 janvier 1673. S.A.R. Mme de Guise lui avait donné 10.000 livres dont son père disposa par son testament en 1687. Elle épousa, par contrat du 1er mai 1700, François de Vivonne, chevalier, seigneur de la Chataigneraye, fils de Jean, remariée à Marie du Raynier, mère d'Anne, devant Riffault, notaire à Sablé. La cérémonie religieuse eut lieu à Auvers-le-Hamon (Sarthe), célébrée par le curé de Saint-Martin-l'Ars.

Concernant Jean Ferré, le Beauchet-Filleau (2ème édition, tome 3, p.397) précise que ce fils de Jean et de Marie de la Faye (voir à ce propos l'article de LA FAYE de la Groie), seigneur de la Courade, de Payroux, de Chaleur et de Saint-Romain, naquit le 6 juin 1667 à Payroux. Entré au service en 1682 comme cadet gentilhomme dans la compagnie du seigneur de Montault, il s'y distingua et reçut de la main du Roi, en 1688, une épée dont la garde damasquinée en or aux armes de France, portait l'inscription "donnée par le Roi à Péroux". Il fut dès lors titra marquis de Payroux. Protégé par Mme de Maintenon, il obtint une lieutenance en 1689 dans le régiment de dragons de Grammont, et devint capitaine le 21 août 1694 dans les dragons de Frontenay. Fait prisonnier à la bataille de Hochstadt, en 1696, il obtint un sauf-conduit pour venir régler ses affaires personnelles et négocier son échange, ce qui eut lieu peu après. Il épousa, le 29 juillet 1700, à Saint-Sulpice de Paris, Marguerite-Charlotte de Rorthays, fille de Charles, seigneur des Touches, et de Jeanne de l'Espingal de Bretoncourt. C'était une des protégées de Mme de Maintenon, qui fit faire le mariage par M. de Thiberge, son aumônier, et donna à la mariée des bijoux et 6000 livres de cadeaux. Il obtint, le 20 décembre 1713, une pension de 400 livres, puis, le 19 juin 1717, sur les instances de sa femme, une subvention de 5000 livres de Mme de Maintenon, pour remonter ses équipages. Fait Chevalier de Saint-Louis le 21 avril 1719, il devint major des dragons de la Reine le 7 septembre 1723, puis lieutenant colonel au même régiment le 2 janvier 1726, et servit en cette qualité jusqu'au 7 mars 1735. A cette époque, vieux, infirme, ayant 54 ans de service, et fait toutes les campagnes de 1682, il se retira, avec un supplément de pension de 600 livres. Il avait rendu aveu au roi à cause de son château à Civay, de ses terres de Payroux, Chaleur et Saint-Romain, le 21 juillet 1717, et fut maintenu noble par Clairembault le 24 septembre 1700 et par Quentin de Richebourg, intendant du Poitou, le 18 décembre 1715. Jean Ferré mourut le 1er juillet 1744 à Chaleur, et fut inhumé dans l'église de Saint-Romain, le 3 dudit mois.

Marie-Anne Suire, née vers 1677, marraine de Magdeleine Gayet, avait épousé, le 25 mai 1708, à Saint-Savin de Poitiers, Antoine Dubreuil, écuyer, sieur des Ouches, et fut inhumée le 14 décembre 1747 dans l'église de Payroux, à l'âge de 70 ans.

Pierre de Laville, né vers 1658, parrain de mon ancêtre Marie-Anne Gayet, avait été, jusqu'en août 1702, curé de la paroisse de Saint-Martin-l'Ars, fut celui de Saint-Cyr-la-Lande (Deux-Sèvres), où il fut inhumé à l'âge de 61 ans, le 22 août 1719.

C'était tous les éléments que j'avais jusqu'à récemment.



C'est en fouillant il y a peu dans les fonds du notaire Doridan, de Charroux, que je trouvais un acte intitulé contract d'acquisition fait par pierre de Challeroux, et Michel Mauricheau, de marie pascault, du 27 février 1705.


Archives départementales de la Vienne, fond Doridan, 4 E 6 88

La transcription n'est pas mon fort, mais voici ce que le début de cet acte nous dit :
Pardevant les notaires jurés de la ville et baronnie de Charroux soubsignés, en sa personne establye en droits et dhuement soubmise [...] Dame marie pascault, fille maieure et [...] de ses droits, heritire danne Chaulmond sa mere et ayant renonssé a la sucession de feu jacques pascault vivant marchand son pere, demeurant de present en qualité de femme de chambre de la dame de la Chastaigneraye au chasteau de St martin lars paroisse dud lieu, estan de present en cette ville. [...]
Aussi pensez-vous, comme moi, que j'ai mis la main sur la filiation de mon ancêtre ? Qui d'autres qu'une femme de chambre de la "dame de la Châtaigneraie" autrement dit Anne de Lambertye, aurait à son mariage toutes ces personnes de qualité noble ?

lundi 2 septembre 2013

Cire et possession de Montbué

Le 19 août 1667, Dominique de Losse, fils de Charles et d'Anne de Fournival (voir l'article de LOSSE), prenait possession du fief, forteresse et château de Montbué, paroisse de Veniers, près de Loudun (Vienne).

Il nous laisse un inventaire de son bien, qui se termine par sa signature et son sceau :


Il y a de forte chance que soit représenté ici le blason de la famille de Losse.

La photo n'est pas de meilleure qualité pour distinguer les reliefs de la cire, j'aurais donc bien besoin d'un conseil pour identifier le blasonnement :


L'enquête continue...

mercredi 28 août 2013

Du nouveau (ou du vieux) chez les CROZÉ de la Roche

Un bulletin rapide et néanmoins nécessaire à l'évacuation d'un stress soudain lié à la découverte d'un fait nouveau (voir plutôt ancien, car datant du début du XVIIe siècle !, mais nouveau pour moi).

Aux Archives, on trouve de tout. Faut juste savoir où chercher.

Si vous m'avez suivi dans mes recherches sur les familles Tribot (ça avait commencé par ), Dunoyer, Petit, Crozé, de Losse, voilà du neuf sous les tropiques :

J'AI LA CONFIRMATION QU'IZAAC CROZÉ, SIEUR DE LA ROCHE, EST BIEN LE FILS DE JACQUES CROZÉ, LE FAMEUX PASTEUR DE CIVRAY (VIENNE), ce dernier étant le gendre de Dominique de Losse, ministre de Mouchamps, à qui il avait dédicacé l'un de ses écrits.

Extrait du partage de René de Losse, ministre de Mouchamps, en date du 17 octobre 1642 (EN 200)

Même si la filiation m'apparaissait correcte, sinon honnête, voire assez sérieuse, elle n'était pas basée sur du concret. Je me permets de vous ennuyer avec cet extrait, qui parle de lui même.

jeudi 22 août 2013

François Degorce, un ancêtre né de père inconnu

Je pense que nombreux sont les généalogistes qui se retrouvent confrontés, tôt ou tard, à des impasses concernant l'un de ses ancêtres, tel que les pères inconnus, voire les parents inconnus.
J'ai bien de la chance, pour ma part. Dans ma généalogie, j'ai deux ancêtres né de père inconnu. Voilà l'histoire des recherches de l'un d'eux, François Degorce.



Mon arbre en était à ses débuts lorsque je découvrais le mariage de mes ancêtres François Degorce et Marguerite Mercier (n° 50 et 51), en date du 19 juin 1878 à Charroux (Vienne). Marguerite, née le 26 août 1853 à Fontbois, commune de Mauprévoir (Vienne) était la fille de feu Pierre et de Jeanne Lhuguenot, et était à cette époque servante demeurant à Marfelon, commune de Charroux.

François Degorce, cultivateur, lui, était le fils naturel d'Anne Degorce, 44 ans, aubergiste à Saint-Martin-l'Ars (Vienne), né le 10 février 1852 à Charroux. Confronté pour la première fois à cette énigme, j'avais pris soin de prendre tous les renseignements utiles. Aussi, les témoins de l'époux étaient Jean Degorce, cultivateur à Chatain (Vienne), 28 ans, oncle, et de Jean Biais, également cultivateur au même lieu, 42 ans, également oncle.

Le patronyme Degorce est plutôt courant dans le Sud-Est de la Vienne. Je n'avais donc que peu de chances de trouver le bon Jean Degorce. Même échec pour Jean Biais. Je me portais donc vers l'acte de naissance de mon ancêtre François :

Archives en ligne, Charroux, N - 1850-1852, v.33/47

Cette naissance m'apprit qu'Anne Degorce, 18 ans (soit née vers 1834), servante à Asnois (Vienne), était accouchée d'un garçon chez dame Éléonore Ogier, veuve Tête, sage-femme.

Je m'envolai donc vers la commune d'Asnois, recherchant une éventuelle trace de cette Anne, notamment dans les tables des naissances dans les années 1830-1840. La seule indication intéressante était celle-ci :

Archives en ligne, Asnois, N - 1833-1842, v.7/61

Bien que cohérent avec les éléments que j'avais, j'estimai à l'époque que les données n'étaient pas assez complètes pour que j'estime que mon ancêtre Anne Degorce, mère de François, était bien celle qui naquit le 25 novembre 1833 à Asnois, fille d'Alexis et de Marie Grégoire. 

Comme c'est souvent le cas chez moi, je passais bien vite à autre chose.



Un peu plus tard, une recherche m'amena à revenir sur cet ancêtre. 

Je trouvais, dans les mariages, celui particulier de François Neveux et de Marie-Louise Bégouin, le 30 janvier 1883 à Saint-Martin-l'Ars. L'épousée, à ma grande surprise, était la fille de feu Jean Bégouin et d'Anne Degorce, aubergiste au chef-lieu de la dite commune. Elle était née à Saint-Michel-en-Brenne (Indre), le 13 octobre 1871. Ma curiosité fut assouvie par la présence d'un témoin capital : François Degorce, frère de la mariée, cultivateur à Charroux, 30 ans. Quoi ? Ai-je bien lu ?

Le hasard fait bien les choses.

La suite logique de cette recherche me ramena à Asnois, le 27 avril 1865. C'est à cette date que Jean Bégouin, domestique, 25 ans, épousa mon ancêtre Anne Degorce, femme de chambre : il s'agissait bien de la fille d'Alexis et de Marie Bégouin, née le 25 novembre 1833 en la dite commune. De plus, l'un comme l'autre vivaient au Château de Saint-Cyran, à Saint-Michel-en-Brenne.

La boucle fut bouclée, je pus au moins reprendre la généalogie de François Degorce, tout au moins du côté maternel.



C'est tout récemment que je pensais à regarder dans les recensements, histoire d'étoffer un peu ces ancêtres qui parfois ne sont évoqués que par leurs noms. Je trouvais, à Saint-Michel-en-Brenne, le recensement suivant, au Château de Saint-Cyron :

Archives en ligne, Mazières-en-Brenne (canton), recensement 1866, v.134/147

C'est toujours intéressant de savoir pourquoi on retrouve tel ou tel ancêtre en un lieu plutôt éloigné de sa commune d'origine. Cet extrait du recensement répond à ma question : la famille Branthôme est originaire d'Abzac (Charente) et celle de Laforest (ou plus exactement Mantrant-Laforêt) vient exactement de la petite commune... d'Asnois ! Ainsi, les châtelains sont venus s'installer dans l'Indre, en emportant, dans leurs bagages, des serviteurs de leur région.

Cette lecture me fit penser à regarder dans les recensements d'Asnois, car, vous l'avez remarqué, il manque une personne à Saint-Michel-en-Brenne en 1866 : mon ancêtre François, fils naturel d'Anne, qui devait avoir 14 ans à l'époque. Je le retrouvais justement à Asnois, comme l'indiquent les recensements (village de Roussille, d'où était originaire la famille Degorce) :

Archives en ligne, Asnois, recensement 1856, v.7/13

Mon ancêtre vivait chez ses grands-parents maternels, Alexis et Marie Grégoire : il apparaît bien sous la mention "François Naturel, 4 ans".

Et en 1866 :

Archives en ligne, Asnois, recensement 1866, v.3/13

Le regard peut être porté sur le début de la liste : Léandre Mantrant-Laforêt et Hortense Lesire, les parents du fermier de Roussille, sont également les parents de la châtelaine de Saint-Cyron. Voilà pourquoi on retrouve mon aïeule Anne dans l'Indre !

Et plus bas... Salerpipelette... euh, Saperlipopette ! Voilà autre chose ! Si vous regardez bien, dans la famille d'Alexis Degorce, ligne 12 : "Roucher François, petit-fils naturel du chef de ménage, 14 ans"... Aucun doute, il s'agit bien là du fils d'Anne Degorce, mon ancêtre François.

Par quel prodige celui-ci porte-t-il le patronyme de Roucher, lui qui se marie en 1878 avec le nom de sa mère ? Erreur de transcription ou lapsus administratif ?

Aurait-on par hasard prononcer le nom de son père biologique et l'agent du recensement s'en serait contenter ?

Voilà bien un mystère à résoudre !

dimanche 14 juillet 2013

Poitevins, médecins des Rois (Robert Ducluzeau)

Depuis quelques temps, je me passionne pour les livres régionaux. A l'achat ou à l'emprunt à la médiathèque, j'essaie, entre vie de famille, vie professionnelle et généalogie, de prendre le temps de bouquiner. Mon dernier achat est intéressant. Robert Ducluzeau présente ces médecins des Rois, des XVIe et XVIIe siècles, qui avaient la particularité d'avoir une origine poitevine.

J'ai feuilleté avec hâte le lexique des patronymes cités dans le livre : j'ai eu l'agréable surprise d'y découvrir cité le nom de mon aïeul Antoine de la Duguie (écrit Duguye), sieur de Boisrond, qui fut professeur à la faculté de droit de Poitiers. Il était, en 1616, doyen de la dite faculté (et ce n'était une mince affaire, car, protestant, on lui avait longtemps refusé cette charge), et c'est à ce titre qu'il présida aux examens de licence de Descartes, autre célèbre poitevin, dont des ancêtres Ferrand sont inclus dans ce livre.

On y croise également les Pidoux, autre famille emblématique du Poitou, qui furent entre autres les aïeuls du célébrissime fabuliste Jean de la Fontaine.

Et vous, vous passionnez vous pour les ouvrages régionaux ?

Alors, je me souhaite bonne lecture à moi-même.