J'ai évoqué avec vous le destin d'Henri Gourdon, l'un de mes arrières-grands-oncles (je vous invite à lire cet article avant). Héros de la première guerre mondiale, il est résistant durant la seconde. Capturé, il est déporté en 1944.
Ma cousine Isabelle, que je tiens à saluer et à remercier, m'a transmis ce témoignage bouleversant : Raymond Gourdon, décrit ses retrouvailles avec son père, après la libération de ce dernier, dans cette lettre adressée à sa grand-mère Marie-Léontine.
Moncoutant le 18 mai 1945
Chère Grand-mère, chers tous,
Arrivant de Paris et ayant la grande joie d'avoir pu embrasser mon cher père, je viens vous donner un peu de ses nouvelles.
Le vendredi 11 mai nous apprenions par un télégramme d'un de ses camardes rapatrié de Mauthausen que papa était en bonne santé le 22 avril et qu'il allait revenir bientôt ; le lendemain samedi, cette fois-ci, un autre télé de papa lui-même qu'il avait [...] qu'il se trouvait en France à Amnasse. Que de sensations ! Que de joie et de tourmente en attendant l'arrivé.
Dimanche nous attendions, sans sortir, quand vers 20h nous reçûmes un coup de téléphone de ma tante de Paris nous annonçant que Papa était chez elle, bien fatigué, mais cependant que sa vie n'aller pas être en danger. Quel soulagement de penser que papa était sorti de cette enfer.
Nous décidâmes maman et moi de partir dès le lendemain à Paris. Le voyage nous parut très long mais cependant nous arrivions chez tante le soir à 21h. Papa était averti de la mort de se pauvre Camille, que de chagrin a-t'il éprouvé, mais ayant beaucoup de courage et sachant que se pauvre Camillle a sacrifié sa vie pour abréger sa souffrance, cela lui donne un peu de réconfort, et il est fier de son fils qui est de ceux qui ont sacrifié leur vie pour nous, et pour la France.
Pauvre papa, quel état physique il se trouve, il a maigri de [...] livres[...] avec un moral et une lucidité extraordinaire. Il se souvient de tout, et a demandé de nouvelles de toute la grande famille. Que de souffrance a-t'il eu depuis son arrestation, c'est indescriptible, tous ses reportages que nous lisons sur les journaux, c'est malheureusement trop vrai. Une nourriture minime, manger de l'herbe et des pissenlits, être battu sans arrêt et travailler comme des martyres, même pas le droit d'avoir un mouchoir depuis XVII mois. Il a jamais reçu un coli depuis le départ de la Pierre Levée à Poitiers.
J'ai reçu une lettre se matin m'annonçant que papa allait un peu mieux, qu'il pouvait se raser et manger tout seul. Le docteur lui a dit que si tout allait bien, qu'il pouvait revenir chez nous dans une dizaine de jours.
Et vous j'espère que toute la famille est en bonne santé. Je sais que toi grand-mère, ta santé est rude, et peut-être d'ici quelques mois, quand papa sera rétabli, nous irons certainement faire un tour au Breuil d'Haleine.
Cette maudite guerre est quand même fini, après cinq années d'attente, et le sacrifice de milliers d'hommes. Le Boche a capitulé. Espérons que toutes ses souffrances ne seront pas vaine, et que le traité de paix se gagnera également.
Nos deux petits garçons se portent à merveille, Jacques va à la grande école, et il a l'air de vouloir faire un écolier assidu, tant que petit Christian il a très mignon et très beaux [...] consolation pour nous et surtout pour petite Jeanne, d'avoir ses deux enfants pour la consoler.
Je ne vois plus grand chose à vous dire, je termine ma lettre en vous embrassant tous de tout coeur.
Jeanne et ses deux bébés vous envoient ses meilleurs baisers.
Raymond