AdP 05/03-28/06/1787, v.23
Fin de la Lettre
d’un Curé des environs de Civrai, à l’Auteur des Affiches
Ceux qui au contraire labourent & préparent leurs terres
en hiver, ne trouvent plus de chaume ni sels ; les vents & la chaleur
ont tout enlevé, & une terre tenace et froide, comme la nôtre, forme des
masses que la pluie, ni la neige, ni la gelée ne peuvent diviser. L’expérience
me prouve tous les ans qu’un labour bien préparé évite beaucoup de peine &
procure beaucoup plus de blé que tous les autres : cette vérité n’est
puisée que dans des observations suivies, faites après des comparaisons
évidentes.
D’ailleurs on convient que le seigle doit être semé dans la poussière : ainsi, pour
entretenir la terre dans cet état, il faut donc éviter les labours
d’hiver ; il faut que la saison & les herbes aident à diviser &
émietter nos terres froides & tenaces.
La clef de nos
greniers est dans la main des Laboureurs, si l’Agriculture est notre trésor : il faut donc la perfectionner, & je ne cesserai
de dire que c’est du premier labour préparatoire que dépend tout le succès de
l’Agriculture. Voyons maintenant le temps des semences.
En fait de labour & de semence, je ne parle que pour nos
terres argileuses et froides ; &, en admettant le principe de nos
Laboureurs, le seigle soit être semé dans
la poussière, il faut préparer & semer de bonne heure.
Dans une terre froide il faut procurer de la force au blé
pour résister aux fortes gelées : quand la terre est bien préparée, les
racines fibrées pénètrent, & plus il y a de canaux nourriciers & de
matériaux pour la sève, mieux le blé résiste, végète & produit un grain
nourri.
D’ailleurs ce n’est point en ville ni dans un cabinet qu’on
peut raisonner sur l’Agriculture ; mais depuis six ans je n’ai plus douté
qu’une terre mal préparée retient toujours la fraîcheur, au lieu qu’une terre
mal préparée se durcit & ne forme qu’une masse sèche qui ne peut être
pénétrée par la rosée.
Qu’on examine dans les belles matinées du mois de Mai, une
pièce de terre, dont une moitié sera bien préparée & semée, & l’autre
moitié mal préparée & mal semée ; l’on verra que la première aura un
dépôt plus abondant de rosée que la dernière, & que le blé trouvera plus de
moyens pour prospérer, &c.
Enfin mes Laboureurs restèrent convaincus, 1° que les plantes rendent plus à la terre qu’elle
ne donne ; 2° que c’est souvent du premier labour préparatoire que
dépend notre récolte ; 3° qu’on ne sauroit trop tôt semer dans nos terres
argileuses & froides ; 4° que labour
d’été peut valoir fumier, si on enfouit de bonne heure le chaume, &c.,
&c.
Je crois, M., que ce système ne peut-être contrarié : il
est fondé sur l’expérience & sur des principes qu’on ne peut absolument
contester. En qualité de citoyen, je me crois obligé de coopérer au bien
public.
J’ai l’honneur d’être, &c.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire