Connaissez-vous Jacques Crozé, sieur de la Roche ?
A l'époque où le temple protestant y fut bâti, au début du XVIIème siècle, le pasteur de Civray (Vienne) était Jacques Crozé de la Roche.
Vers la fin de l'année 1612, M. de la Roche-Posay, évêque de Poitiers, envoie le Père Moquot, jésuite, prêcher la bonne parole à Civray et porter "secours fort nécessaire en ces quartiers, que l'Évangile réformé a corrompu plus que ne croiroyent ceux que Dieu par la grâce a préservez". Durant trois dimanches, le jésuite cherche à préserver les ouailles contre la menace huguenote, allant jusqu'à critiquer ouvertement l'un des ouvrages du pasteur, Le Juge des controverses (1610, Niort, Jean Baillet). Le 26 décembre 1612, Crozé se révolte dans un écrit, Moquot en a connaissance et revient prêcher le 17 février suivant.
Pendant six dimanches consécutifs, on se presse autour du père Moquot, jusqu'à 2000 personnes, qui veut établir que Crozé est "un menteur, faussaire de la parole de Dieu, ignorant et athéiste".
La tension monte. M. Cacault de la Cotterie, lieutenant particulier (catholique) entend mettre de l'ordre dans sa ville et convie Crozé et Moquot à une conférence "aymable". Trois séances de rencontre ont lieu, les 25, 26 et 27 mars, sous conditions que des scribes soient nommés de part et d'autre pour rédiger un procès-verbal de séances, revêtu de la signature des parties. Les conférences sont publiques et en présence du magistrat.
A la fin de la troisième séance, Moquot fait observer que le pasteur ne se conforme plus aux conditions arrêtées et qu'il n'y a rien à ajouter. Lacite, Crozé écrit alors en bas du procès-verbal de la séance : "approuvé la fuitte du jésuitte". Les catholiques ne veulent pas laisser signer "ceste menterie" et le 1er avril, une nouvelle sommation est envoyé à Crozé.
Le pasteur soutient le lendemain qu'il a convaincu "de calomnie et d'ignorance le père Moquot qui, faussant sa foy donnée sans signer, s'etoit retiré avec honte et fuitte en outrageant à coups de poings et injures atroces un de la religion, homme d'honneur et de qualité, pour faire éclipser la conférence". Crozé se tient prêt à répondre aux accusations, mais l'"aymable" conférence en reste là, alors que les catholiques répondent que "la fausseté des coups de poing et injures atroces estoit aussi puante que pièce des précédentes". Le père Moquot n'en reste toutefois pas là. Il continue sa charge contre le pasteur en publiant, notamment, l'ouvrage : La fuite de Jacques Crozé, soi-disant ministre de Civray, avec l'analyste des syllogismes dudict Crozé, par les catholiques de Civray, témoins oculaires de la vérité de tout ce qui s'est passé tant ès sermons de leur prédicateur qu'en la conférence accordée audit Crozé (Poitiers, par Antoine Mesnier, 1613).
Les Crozé en question
Les Crozé, relevés par MM. Beauchet-Filleau, portent sur la famille Crozé de Clesmes, ancienne famille originaire du Dauphiné, où elle a possédé longtemps le fief de Clesmes. Un cadet est venu s'établir près de Loudun au commencement du XVe siècle.
Blason : d'azur à deux chevrons d'argent et à 2 étoiles aussi d'argent posées en chef, et un croisant de même posé en pointe. Devise : Jus pericula spernil (Arm. d'Anjou, 444).
Le pasteur Jacques Crozé est né à Loudun (Vienne) vers 1575 et n'apparaît pas rattaché aux Crozé de Clesmes. Il fut imprimeur à Niort et a publié un livre de controverse contre M. de la Béraudière, sous le titre : « Le juge des controverses de ce temps distingué en deux parties..., pour répondre à François de la Béraudière de Sigond, abbé de Nouaillé. Par Jacques Crozé, Loudunais, pasteur de l'église de Civray en Poitou » (A Niort, par Jean Baillet, 1610). L'ouvrage est dédié à noble Jean Jousserant, seigneur de Lairé, « gentilhomme doué de piété et vertu excellente ». Signé : La Roche-Crozé, à Civray, 20 mai 1610 (V. Dreux du Radier).
La seule filiation trouvée dans la bibliographie (d'après Léon Faye) concerne le contrat de mariage de sa fille, Marie, le 24 juillet 1614, avec Jacques Fradin, sieur de la Roche-d'Orillac, sénéchal de Boisseguin (le Beauchet-Filleau est contradictoire car il donne les dates de juin 1596 ou 24 juin 1604).
Dans quel sac me mets-je ?
Une fouille méthodique des fonds du notaire Surreau, à Civray (Vienne), m'a permis la découverte des trois actes suivants :
Et c'est vraiment et complètement par hasard, par erreur même — je fouillais les fonds Maxias, notaire à Poitiers, et j'ai demandé une liasse de trop : je suis tombé sur la première cote du notaire Berthonneau, en 1651, toujours à Poitiers, dans lequel je trouvais un partage entre :
Ce qui est intéressant, ce sont les liens entre les différents individus.
Les relevés des actes protestants de Loudun nous donnent les baptêmes de trois enfants d'Isaac Crozé et de Gabrielle Carré :
Maigre indice supplémentaire : j'ai trouvé une cession entre Jacques Mayaud (on en reparlera après-demain) et Marie Crozé (la veuve de Jean Levieil), en date du 23 octobre 1649, avec avenant du 20 avril 1656, reçu par Levasseur, notaire à Poitiers.
Actuellement, je cale donc sur cette filiation, qui demande à être doublement vérifié : si mon ancêtre Marie a de fortes chances d'être la fille d'Isaac, se peut-il que celui-ci soit le fils du fameux pasteur ? Le titre de la Roche, en lui-même, me le fait penser...
Le pasteur soutient le lendemain qu'il a convaincu "de calomnie et d'ignorance le père Moquot qui, faussant sa foy donnée sans signer, s'etoit retiré avec honte et fuitte en outrageant à coups de poings et injures atroces un de la religion, homme d'honneur et de qualité, pour faire éclipser la conférence". Crozé se tient prêt à répondre aux accusations, mais l'"aymable" conférence en reste là, alors que les catholiques répondent que "la fausseté des coups de poing et injures atroces estoit aussi puante que pièce des précédentes". Le père Moquot n'en reste toutefois pas là. Il continue sa charge contre le pasteur en publiant, notamment, l'ouvrage : La fuite de Jacques Crozé, soi-disant ministre de Civray, avec l'analyste des syllogismes dudict Crozé, par les catholiques de Civray, témoins oculaires de la vérité de tout ce qui s'est passé tant ès sermons de leur prédicateur qu'en la conférence accordée audit Crozé (Poitiers, par Antoine Mesnier, 1613).
Les Crozé en question
Les Crozé, relevés par MM. Beauchet-Filleau, portent sur la famille Crozé de Clesmes, ancienne famille originaire du Dauphiné, où elle a possédé longtemps le fief de Clesmes. Un cadet est venu s'établir près de Loudun au commencement du XVe siècle.
Blason des Crozé de Clesmes |
La seule filiation trouvée dans la bibliographie (d'après Léon Faye) concerne le contrat de mariage de sa fille, Marie, le 24 juillet 1614, avec Jacques Fradin, sieur de la Roche-d'Orillac, sénéchal de Boisseguin (le Beauchet-Filleau est contradictoire car il donne les dates de juin 1596 ou 24 juin 1604).
Dans quel sac me mets-je ?
Une fouille méthodique des fonds du notaire Surreau, à Civray (Vienne), m'a permis la découverte des trois actes suivants :
- compte entre Isaac Crozé et Isaac Bertrand, en date du 15 mars 1657 : Isaac Crozé demeurant au lieu des Moulins, paroisse de Bournand en Loudunais (Vienne) et Isaac Bertrand, maître apothicaire à Civray (Vienne), règlent des obligations mutuelles ;
- une transaction entre Isaac Crozé et Pierre Arrondeau, en date du 18 mars 1657 : dans cet acte, Isaac Crozé, sieur de la Roche, fait comme père et loyal administrateur de ses enfants et de feu dame Jeanne Pontenier, sa femme, afferme à Jean Nicoulaut, la métairie du Coulombier, de la paroisse de Savigné (Vienne). Pierre Arrondeau est laboureur à la dite métairie ;
- une acquisition pour Hillairet Texereau de Isaac Crozé, sieur de la Roche, en date du 28 avril 1659 : Isaac Crozé demeure en la ville de Saumur (Maine-et-Loire) et fait tant pour lui que pour demoiselle Marie Crozé, sa fille absente. Il vend des pièces de terres à Marigné, paroisse de Saint-Pierre-d'Exideuil (Vienne), à Hillairet Texereau, marchand audit village de Marigné ;
Et c'est vraiment et complètement par hasard, par erreur même — je fouillais les fonds Maxias, notaire à Poitiers, et j'ai demandé une liasse de trop : je suis tombé sur la première cote du notaire Berthonneau, en 1651, toujours à Poitiers, dans lequel je trouvais un partage entre :
- Marie Crozé, veuve de Jean Levieil, vivant écuyer, sieur de Vaumoreau, demeurant à Poitiers, soeur du défunt,
- Marthe Crozé, veuve de Jean Pioget, vivant collecteurs de finances en Poitou, demeurant aussi à Poitiers, également soeur du défunt,
- et mon fameux Isaac Crozé, sieur de la Roche, faisant tant pour lui que pour sa femme, Gabrielle Carré, demeurant au lieu de Tosnay (?), paroisse de Bournand.
Ce qui est intéressant, ce sont les liens entre les différents individus.
Les relevés des actes protestants de Loudun nous donnent les baptêmes de trois enfants d'Isaac Crozé et de Gabrielle Carré :
- Gabriel, en octobre 1648 ;
- Anne, en décembre 1650 ;
- Jacques, en janvier 1656 ;
Maigre indice supplémentaire : j'ai trouvé une cession entre Jacques Mayaud (on en reparlera après-demain) et Marie Crozé (la veuve de Jean Levieil), en date du 23 octobre 1649, avec avenant du 20 avril 1656, reçu par Levasseur, notaire à Poitiers.
Actuellement, je cale donc sur cette filiation, qui demande à être doublement vérifié : si mon ancêtre Marie a de fortes chances d'être la fille d'Isaac, se peut-il que celui-ci soit le fils du fameux pasteur ? Le titre de la Roche, en lui-même, me le fait penser...
Sources :
- Notes historiques sur la ville de Sivray, Léon Faye (1849) ;
- Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, tome 2, p.754
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire