lundi 29 avril 2013

Yves, 16 ans et demi (1930)

Habitué au Poitou natal, je me transporte par delà les lieux et je vous entraîne à ma suite pour vous emmener vers Saint-Nazaire, pour une histoire qui s'est déroulée en 1930 et qui concerne un parent, un drôle de garçon.




L'Ouest-Éclair, édition de Nantes du 31 mai 1930, annonce un petit fait divers : la veille, M. Émile Le Thiec, peinte à la Châtaigneraie, hameau de Saint-Nazaire, découvrait qu'un cambrioleur s'était introduit chez lui en profitant de son absence. Une fouille des meubles et tiroirs avait laissé un désordre indescriptible. Sautant sur sa bicyclette, il avait aussitôt prévenu la gendarmerie. C'était le prélude à une fantastique aventure de roman-ciné.


C'est une maison tout au bout du chemin de Sautron. Au rez-de-chaussée d'une maison toute neuve, coiffée d'ardoises, Ker-Yves Florance donne asile à la famille Coulonnier. Le mari est employé au service de la répurgation de la ville de Saint-Nazaire. La femme, malgré une santé chancelante, lave le linge des familles riches des alentours. Un seul fils : Yves, 16 ans de demi.

Dorloté par ses parents, Yves dévore en secret des romans policiers. Pour lui changer les idées, on décide de l'envoyer à Cholet chez des amis. Tout sa famille le croit parti, alors qu'on l'aperçoit dans les bals de Saint-Nazaire.

Qu'est-ce qui le pousse à se rendre à la Châtaigneraie, le vendredi 30 mai ? Nul ne le sait.

Il s'introduit dans la maison de M. Le Thiec, pourtant réputé pour ne pas être très riche, et vole un revolver, trois cartouches, une montre et un diamant à couper le verre.

Nul ne sait ce qu'il fait, cette nuit-là. Toujours est-il qu'il se présente, le lendemain, chez Mme Merreau, marchande de poissons. C'est un brave femme, que tout le monde connaît à Saint-Nazaire, et qui a le coeur sur la main. Elle connaît le petit, et lui dit, en l'apercevant :

— Comme tu es pâle ! Serais-tu donc malade ?
— Non pas, lui répond le jeune homme. Je reviens de voyage, j'étais à Cholet ; en arrivant à Sautron, j'ai trouvé porte close, mes parents sont partis aux Sables d'Olonne. Alors je me promène en attendant leur retour.
La marchand l'invite chez elle et lui offre le café avec une tartine de beurre.
— Dépêche-toi d'avaler cela, lui dit-elle, il faut que je parte au marché.
Le jeune homme obéit, puis sort et s'enfonce dans la campagne. La marchande part pour le marché, mais Yves revient sur ses pas. Avec le diamant, il coupe une vitre d'une fenêtre du logement de Mme Merreau, pénètre dans l'appartement et bouleverse tout. Il trouve, dans une armoire, 15000 francs.

Yves se rend ensuite à Villès-Martin, chez M. Le Gall, qui tient le restaurant « Mon Idée ». Il commande un copieux déjeuner, retient une chambre pour deux jours et s'en va vers Saint-Nazaire où il achète quelques menus objets, dont une montre-bracelet de forte valeur.

Le jeune homme, revenu à « Mon Idée », gagne sa chambre et rencontre Marguerite, la fée des lieux. Il ne peut s'empêcher de lui montrer ses achats. Celle-ci a des doutes, en parle au tenancier, dont l'établissement est fréquenté par une multitude de gens de tout horizon. Justement, voilà Mme Merreau qui passe : cette dernière lui avoue avoir découvert sa maison cambriolé, après son retour du marché. Tout de suite, M. Le Gall soupçonne le jeune homme du forfait et préviens les gendarmes, déjà en alerte par le vol de la veille, chez M. Le Thiec.

C'est l'adjudant Bouron, commandant par intérim la brigade de l'arrondissement, qui est averti que le présumé voleur se trouve à « Mon Idée ». Aussitôt, une voiture emmène une dizaine de gendarmes et trois gardes républicains, qui, arrivés sur les lieux, prennent position autour du cabaret. Ils ne sont pas discrets, car le jeune homme les aperçoit de sa fenêtre : il saute du premier étage dans le jardin, jette — sans être remarqué — ses objets de valeurs et 2000 francs dans une bouche d’égout et disparaît.

Il court, Yves, il court !

Les gendarmes retrouvent les objets jetés, on se masse dans le souterrain qu'on explore, en vain. Le jeune homme n'est pas là-dedans : il a tout simplement traversé deux ou trois jardins privés avant d'arriver à la villa la « Pomponette », propriété de Mme Goss et occupée par M. et Mme Guengan, d'anciens tenanciers.

L'apprenti malfrat pénètre dans la maison et referme la porte sur lui. Il s'installe comme chez lui, fouille les meubles, vole quelques centaines de francs et déniche quelques victuailles et deux bouteilles de champagne. C'est parce qu'il s'attarde sur ces délices qu'il est surpris par les locataires, arrivant vers 13h30.

Mme Guengan s'aperçoit que sa porte est fermée de l'intérieur. Elle demande à son mari son revolver et tire trois coups en l'air. Le mari — penaud sans doute — court vite avertir les gendarmes, qui eux, gardaient toujours la bouche d'égout, quelques pâtés de maison plus loin. On cerne très vite la maison.

En sortant de la villa « Pomponette », le garçon est complètement éméché par l'alcool qu'il a consommé. Avec l'agilité d'un chevreuil, il saute par-dessus le mur de clotûre de la villa et tombe dans la ruelle des Marronniers. Les gendarmes sont là, mais n'osent intervenir. Ils se tiennent quand même aux aguets, le garçon est armé !

Soudain, tel un vieillard d'un conte de l'Antiquité, le grand-père du garçon — sans doute averti par les gendarmes était-il venu sur les lieux — se précipite sur son petit-fils comme pour venir lui reprocher ses forfaits. Yves prend peur, attrape le revolver et avant même qu'on puisse l'en empêcher, se tire une balle dans la tête.



1 commentaire:

  1. Quelle horreur ! On a du mal à voir le lien entre une telle succession de "bêtises" et un dénouement aussi sinistre... A moins que les "romans policiers" dont il s'abreuvait semble-t-il ne soient les précurseurs des "jeux vidéos" sanglants actuels et qu'ils n'aient eu le même impact chez quelqu'un d'un peu fragile... Mystère.

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