lundi 2 mai 2016

La catastrophe du "Sud-Express" en gare de Saint-Saviol du 9 juillet 1911

Extrait de Delcampe.fr
Le 9 juillet 1911, vers 7 heures du soir, une machine sort du dépôt de Saint-Saviol, qui se fait aiguiller pour rentrer à Poitiers. À ce moment, le "Sud-Express", ayant un retard de deux heures, arrive, filant à toute vapeur dans la direction de Paris. Apercevant la locomotive, Jean Dubreuil, le mécanicien qui conduit la machine, veut s'assurer qu'il est sur la bonne voie. Au moment où il s'aperçoit du danger imminent et de la collision à venir, il est trop tard : le choc des deux machines est violent. Elles roulent sur le ballast. La machine tamponnée est repoussée au loin sur la voie. Les vitres des wagons du "Sud-Express" éclatent en morceaux, blessant trois voyageurs.
On se précipite vers la machine et le corps du mécanicien est aperçu, dans une mare de sang, littéralement coupé en deux. Il est retiré de l'enchevêtrement de métal.
Le chauffeur de la locomotive, Daniel Joigny, saute en bas de la locomotive et se luxe l'épaule dans sa chute. Après de premiers soins sur place, il est conduit à son domicile, 46, route de Nantes, à Poitiers, où il reçoit la visite d'un médecin. Ce dernier n'est pas sans inquiétude sur les séquelles de la blessure et de la commotion reçus par Joigny.
Un télégramme est aussitôt adressé à la gare de Poitiers, d'où partent rapidement deux trains de secours. Dans le premier, prennent place les chefs de service et une équipe d'ouvriers. À onze heures, un autre convoi emmène une puissante grue et une autre équipe d'ouvriers.
Lorsque le premier train de secours arrive gare de Saint-Saviol, un service à voie unique par transbordement est mis en place, afin que les voyageurs du "Sud-Express" puissent continuer leur route.
Pendant que les trois lourds voitures du train sont remises sur les rails, tous les trains venant de Bordeaux sont arrêtés. Ils accumulent un retard de plus de trois heures.
À une heure du matin, un nouveau train spécial emmène sur le théâtre de l'accident M. Bourgeon, procureur général, qui ouvre une enquête judiciaire. Il rentre le matin vers 6 heures et demi, par le même train qui ramène la dépouille du mécanicien Dubreuil, que son père a tenu à aller chercher. "Mon fils, dit ce dernier, entre deux sanglots, était âgé de 43 ans ; il est marié et à une fillette de 13 ans, quelle abominable chose ! C'est affreux". Placé sur une civière, le corps du malheureux est transporté à son domicile, sis 102 bis, route de Nantes. Il est reçu par la pauvre veuve et sa fille, qui poussent des cris déchirants.
Le parquet de Civray se rend sur les lieux et procède à des expériences pour rechercher si l'aiguillage de Saint-Saviol fonctionne bien ou mal.
Et en effet, l'homme d'équipe Girard, fait aux enquêteurs donne son explication. Arrivé vers 6 heures 25, à son embauche, il s'était rendu auprès du chef de gare pour lui demander s'il devait manœuvrer la machine, qui, le matin, ayant amené un train de marchandises, se trouvait au dépôt. Devait-elle rentrer à Poitiers ? Son chef lui avait répondu : "Mais oui, parfaitement".
Au dépôt, Girard avait commandé la manœuvre. La machine était sorti, le manœuvrier lui donna la voie de garage, comme à son habitude. Mais en déclenchant le levier de manœuvre, qui porte sur un autre levier de la voie principale au moyen d'un fil de fer d'une longueur de 150 m, il ouvrit l'aiguillage de la voie principale. "Il suffit, dit-il, que le fil de fer dévie de quelques centimètres pour que l'aiguillage soit faussé. Or, sous l'action de la chaleur, sans doute, le fil de fer s'était dérange et a ouvert la voie principale". La machine conduite par Dubreuil, au lieu de rester sur la voie de garage, s'était alors retrouvé sur la voir principale, entraînant alors l'accident. L'homme se sait l'auteur involontaire de la mort de de son collègue, mais se dégage de toute responsabilité. Les magistrats de Civray assistent alors à une reconstitution de la manœuvre, et l'explication du l'homme d'équipe apparaît bien-fondé.
L'état de Joigny, le chauffeur du "Sud-Express", s'améliore. Il vivra 38 ans de plus.
Les équipes d'ouvriers travaillent d'arrache-pied à la remise en état des voies endommagées par la catastrophe. Très vite, la circulation normale des voies est rétablie.
AD86, Poitiers,
D - 1911, v.125/241
Les obsèques du malheureux Dubreuil ont lieu le 12 juillet en l'église Montierneuf. Une foule considérable suit le char funèbre, qui disparaît sous un amoncellement de couronnes. Avant de donner l'absoute, le curé prononce une allocution émouvante et Dubreuil est inhumé au cimetière de l'Hôpital-des-Champs.


Sources et extraits :
  • L'Avenir de la Vienne, éditions des 11/12, 13 et 14 juillet 1911.
  • Delcampe, pour les cartes postales (beaucoup trop chères, selon moi).

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