samedi 14 mai 2016

Les Crévelier de Charroux (1)

Le 20 février 1714, par devant Bricault, sieur de Verneuil, lieutenant général de police de Civray, sont reçus plusieurs marchands en charge et marchands sergiers manufacturiers de la ville, et lui rapportent qu'il y a environ quinze métiers battants montés en serges drapées gris mêlé et d'autres de serges tissus mêlé de bleu, qui sont à l'usage des paysans et gens de campagne des environs, sur trois ou quatre lieues. Ces marchandises, fort communes par rapport aux laines du pays, qui sont grossières, ne s'exportent pas. Sur les 20 qui exerçaient dix ans auparavant, ils en étaient réduits à 9, les autres ayant été obligés d'abandonner leur profession, devant la misère des temps et la cherté des vivres, et le peu de commerce depuis la guerre, ainsi que par la disparition des deux ponts, emportés quatre ans plus tôt par les grandes eaux. Les temps sont dures et ces marchands exercent en parallèle divers métiers, bien qu'ils soient exempts de la collecte des tailles et autres impositions, depuis le règlement de 1698.
Par la suite, comparaissent Nicolas Degouy, Nicolas Ardouin, Étienne Moricheau et André Crévelier, manufacturiers de Charroux. Ils lui indiquent qu'à présent il n'y a dans leur ville que 8 fabricants, dont la moitié sont réduits à travailler pour la bourgeoisie, n'étant pas en état de travailler pour leur compte. L'autre moitié a environ 8 métiers battants montés de grosses serges de deux laines drapées gris mêlé à l'usage des gens de la campagne, des environs dudit Charroux. Ce métier, dont la communauté était très importante au XVIIe siècle, a décru sept à huit ans plus tôt, et comme les laines sont très chères (26 à 27 sols l'aune), ils sont obligés de vendre leurs étoffes 20 à 22 sols.
Bricault concluent que les étoffes qui se fabriquent à Civray et à Charroux sont grossières et se débitent à 10 lieues aux environs, ce qui est, selon ses termes, bien incommode à des fabricants qui vendent leur étoffes au détail. Ils les mènent aux foires, aux marchés de trois à quatre lieues environ, et comme il y a un bureau des traites, on les oblige à prendre des acquits de caution. 5 sols, et cela consume leurs étoffes. Il serait important en général, pour le bien des manufactures et du commerce, que les étoffes puissent avoir une liberté dans le royaume, d'aller et venir, pour acquitter les droits aux endroits où ils sont établis et que la consommation s'y fasse (extraits de la Correspondance de Madame de Médel : 1770-1789 : mélanges XVIe-XVIIIe siècles, publiée par M. le doyen H. Carré, Société des Archives du Poitou, 1931, p. 235 et 236).
Autant dire que ce corps de métier disparut au cours de ce siècle. Ce court extrait est la seule mention trouvée sur Gallica concernant mon ancêtre André Crévelier, et je voulais aujourd'hui vous parler un petit peu.

Antoine Crévelier, sieur du Portal, marié à Magdeleine Pasquet, née vers 1637 et inhumée le 20 avril 1682 à Civray
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André Crévelier, sieur de Fontbrune, né le 20 mars 1669 à Charroux et inhumé le 11 septembre 1745 au même lieu, marié à Suzanne Chanteloube puis à Marie-Magdeleine Charpentier
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Jean Crévelier, baptisé le 28 novembre 1691 à Charroux, marié à Marie Fradin
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Pierre Crévelier, baptisé le 5 juin 1731 à la Chapelle-Bâton et mort le 11 mars 1806 à Payroux, marié à Marie Dauger
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Jean Crévelier, né le 23 pluviôse de l'an VII à Payroux et mort le 14 juin 1880 audit lieu, marié à Antoinette Dupol
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Pierre Crévelier, né le 27 juillet 1821 à Payroux et décédé le 8 novembre 1888 audit lieu, époux de Catherine Delhoume puis d'Anne Néliat
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Madeleine Crévelier, née le 27 février 1850 à Payroux, mariée à François Lochon
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François Lochon, née le 19 juin 1877 à Payroux et décédé le 18 juillet 1950 à Savigné, mariée à Auguste Guyonnet
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Aimée Marie-Louise Guyonnet, née le 25 novembre 1910 à Charroux et décédée le 11 novembre 1995 à Savigné, mariée à Myrthil Maximin Vallade
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mon grand-père
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mon père
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et moi

André Crévelier est né le 20 mars 1669 au village des Malpierres, à Charroux :

Localisation des Malpierres sur la carte de Cassini

Il est présenté au pasteur Masson, ministre à Civray, le 31 mars suivant :

AD86, Civray, BMS - 1669-1673 (culte protestant), v. 4/18

Son père, Antoine Crévelier, est qualifié de sieur du Portal. Je n'ai jamais trouvé d'éléments me permettant de localiser ces terres. Il a existé un fief de ce nom sur la paroisse d'Usson, d'après Redet, mais Portal est peut-être une déformation de Portail. Ce lieu a pu se trouver n'importe où (il a existé une famille Crévelier, à Niort, de confession catholique et l'un de ses membres, un autre André Crévelier, est rapporté dans l'armorial général de France)
Sa mère, Magdeleine Pasquet, est issue d'une famille protestante aisée de la cité, les Pasquet de la Broue.
Il est marié une première fois, le 26 février 1691, à Suzanne Chanteloube, et je suis un descendant de cette union. Les Chanteloube étaient d'une famille protestante plutôt aisée, représentée par le père, Jean, maître potier d'étain.

AD86, Charroux, BMS - 1685-1692, v. 98/130

De ce mariage sont issus 4 garçons : seul l'aîné, Jean, né en 1691, a postérité.
Veuf, André Crévelier se remarie, le 25 juin 1700, à Marie-Magdeleine Charpentier. De cet union, naissent 6 enfants, mais seules trois filles atteignent l'âge adulte. Contrairement à son fils, issu du premier mariage, il marie ses filles à des personnalités importantes de la localité :
  • Madeleine qui épouse André Brouillet, et sont les aïeuls de François André Ernest Brouillet, notaire et conseiller général de la Vienne, et de l'artiste-peintre Pierre Aristide André Brouillet.
  • Catherine, qui épouse Mathieu Malapert, sieur des Effes. Ils sont les aïeuls d'une lignée de marchands et de membres de la judicature tant de Charroux que de Civray ou de Poitiers.
  • et Marie, qui épouse François Chaumont, avec des descendants assez notables (huissier et propriétaires).
André Crévelier est inhumé sous les prénoms d'Étienne André, le 11 septembre 1745 à Charroux, en présence de ses trois gendres. Il est alors qualifié de bourgeois et sieur de Fond-Brune. Je l'ai trouvé ayant également  porté le titre de sieur du Portal tout comme son père.
Au cours de sa vie, il a été marchand, puis, tireur d'étaim et sargetier en 1700. Si les vaches ont été maigres au début du XVIIIe siècle, il a su trouver une place dans la société de la ville à la fin de sa vie.

AD86, Charroux, BMS - 1745-1747, v. 10/39

Son fils, Jean Crévelier, baptisé le 28 novembre 1691 à Charroux, n'a pas bénéficié du même ascenseur social. Il épouse le 18 mai 1718, à la Chapelle-Bâton, Marie Fradin, fille de Jacques et de Marie Lusson. De cette union, vont naître plusieurs enfants entre 1719 et 1747, dont mon ancêtre, Pierre, né en 1731. En 1744, la famille vit à Payroux. Le patronyme s'écorche en Créveiller.
Pierre Crévelier y épouse, le 28 germinal de l'an VI, Marie Dauger, il est alors âgé de 66 ans. Je me suis toujours demandé pour quelle raison particulière a-t-il attendu autant de temps pour se marier ? Il n'est pas dit veuf et je n'ai pas trouvé de premier mariage. A-t-il été dans l'armée ? Je n'ai rien sur cet homme, si ce n'est sa fin de vie : il meurt le 11 mars 1806, ayant eu deux enfants, dont Jean.
Cet ancêtre, Jean Crévelier, est né le 23 pluviôse de l'an VII au village de Vitré, à Payroux. Il y épouse, le 30 juin 1818, Antoinette Dupol, et fait souche dans cette commune, où il meurt le 14 juin 1880.
L'autre jour, je cherchais une information dans les registres de transcriptions d'actes (hypothèques), et me suis trompé de fond. Plutôt que de le rendre de suite, je l'ai feuilleté et un acte m' interpellait : il s'agissait d'un contrat de vente, passé le 17 janvier 1866 devant Proux, notaire à Joussé, de Jean Foucher et Madeleine Sabourin, sa mère, audit Jean Crévelier, dit Font-Brune, propriétaire, fermier, demeurant au bourg de Payroux. Autant dire que j'ai été surpris. Le titre détenu par André Crévelier, son arrière-grand-père, avait disparu depuis plus de cent ans, et n'apparaissait sur aucun des actes concernant les autres membres de cette famille.

AD86, Hypothèques, volume n°206, 4 Q 2587

Pour les recherches dans les Hypothèques, je vous propose de parcourir l'article de Briqueloup, très bien expliqué.

(à suivre...)

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